Maintien de l’ordre: les critiques de CFDT Journalistes et de la FEJ

Les échanges ont duré une heure et demi. CFDT-Journalistes a insisté sur les risques pour la démocratie que présente le Schéma national du maintien de l’ordre rendu public le 16 septembre 2020 par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et réaffirmé son opposition à la proposition de loi sur la sécurité globale déposée par le groupe LREM.

Pour mémoire, la commission créée en juillet 2020 à l’initiative du groupe socialiste est présidée par M. Jean-Louis Thiériot (Républicains) avec pour rapporteure Mme Georges Pau-Langevin (socialiste).

Voici le lien pour retrouver cette audition, et quelques reprères chronologiques: à 3h 6mn 20s et 3h 52 mn 9 s: Jean-François Cullafroz, trésorier de la CFDT Journalistes à 3h 17mn 7s et 3H 47 mn 40s : Yohann Relat, journaliste France2 et DS CFDT à France TV
à 3h 42 mn 9s : Gérard Fumex, journaliste d’un pureplayer indépendant, interpelé lors d’une action Extinction-Rébellion à Annecy qu’il couvrait. à 3h 57 mn 48s et 4h 4mn 7s : Eric Déssons, rep photo au JDD et élu CFDT au CSE Lagardère, et blessé par la police lors de manif parisienne alors qu’il était en reportage
 

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La position de CFDT-Journalistes développée devant la Commission
 

CFDT-Journalistes a eu l’occasion de réagir le 23 septembre 2020, dès qu’elle a eu connaissance du nouveau Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) publié par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et a émis une série de remarques sur la forme comme le fond.

Les réserves de CFDT-Journalistes se sont accrues après deux incidents entre forces de l’ordre (police et gendarmerie) et des journalistes : le 12 septembre sur l’aéroport d’Annecy-Meythet, puis le 3 octobre sur l’aéroport de Roissy. Les interventions, qui se sont soldées par des interpellations, se sont déroulées dans les deux cas lors d’actions du mouvement Extinction-Rébellion.

Les remarques que nous formulons ont été relues par des journalistes de terrain, dont plusieurs ont eu maille à partir avec les forces de l’ordre, ou sont allés voir le déroulement de mouvements sociaux pour se rendre compte des interventions des forces de sécurité.

Nous tenons à souligner que les interventions de police ou de gendarmerie peuvent différer dans leurs formes et leur intensité, et qu’elles peuvent être variables entre Paris-et grandes villes et de petites agglomérations où elles sont souvent moins musclées et où les interlocuteurs (manifestants, gendarmes, policiers et journalistes) se connaissent.

Cependant, la publication d’un Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) peut laisser craindre une harmonisation « dure » des pratiques des forces de sécurité. D’autant qu’une proposition de loi LREM va dans ce sens.

Le Schéma national du maintien de l’ordre, publié par le ministère de l’intérieur courant septembre 2020, manifeste clairement l’envie de coacher, tenir en laisse et même museler les journalistes, que ce soit sur le terrain ou même auparavant lors de temps de formation tels que les pratique l’armée.

Par contre, pourquoi ne pas développer une information-sensibilisation aux techniques d’intervention des forces de sécurité comme le fait déjà la gendarmerie, en lien avec les patrons de presse (écrite et audio, et associations locales (Clubs de la presse) pour les journalistes isolés

Dans ce SNMO, les articles du paragraphe 2 (2.1 et 2.2 notamment) nous inquiètent dans le sens où les journalistes ne disposent plus des garanties pour exercer leur profession.

2.1.2 Le dispositif de liaison et d’information, mis en place par ce schéma national, permet de développer plus avant la communication avec les manifestants. Le maintien d’un dialogue depuis le rassemblement jusqu’à la phase de dispersion, avec les organisateurs mais également avec les manifestants est en effet indispensable. Les contacts préalables établis entre les autorités et les organisateurs participent directement de cette logique. Ils sont poursuivis le jour de la manifestation durant toute la durée de l’événement.

2.2 Il est nécessaire d’assurer une prise en compte optimale des journalistes et de protéger ainsi le droit d’informer. Cette collaboration doit être fondée sur une meilleure connaissance mutuelle et doit favoriser le travail des journalistes mais également la bonne conduite des opérations de maintien de l’ordre. 2.2.1 La nécessité de préserver l’intégrité physique des journalistes sur le terrain est réaffirmée. Eu égard à l’environnement dans lequel ils évoluent, les journalistes peuvent porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation.

2.2.2 Un officier référent peut être utilement désigné au sein des forces et un canal d’échange dédié mis en place, tout au long de la manifestation, avec les journalistes, titulaires d’une carte de presse, accrédités auprès des autorités.

2.2.3 Il sera proposé la réalisation d’exercices conjoints permettant aux forces d’intégrer la présence de journalistes dans la manœuvre et à ces derniers de mieux appréhender les codes et la réalité des opérations de maintien de l’ordre en environnement dégradé.

2.2.4 Concomitamment, il sera proposé aux journalistes des sensibilisations au cadre juridique des manifestations, aux cas d’emploi de la force et notamment aux conduites à tenir lorsque les sommations sont prononcées, ainsi qu’aux dispositions du SNMO. Il importe à cet égard de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, ils doivent, comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser.

Dans ce SNMO, le ministre demande « de reconnaître une place particulière » aux journalistes, mais, en même temps, il rappelle que « le délit constitué par le fait de se maintenir dans l’attroupement après sommation ne souffre d’aucune exception y compris au profit des journalistes et membres d’associations ». Et c’est bien là, pour CFDT-Journalistes, le principal obstacle d’un texte rédigé sans consultation des organisations syndicales de journalistes.

Comment les journalistes (qu’ils possèdent ou non la carte de presse) peuvent-ils rendre compte s’ils ne sont pas au cœur des évènements ? Comment, par exemple, durant le mouvement des Gilets jaunes, nos collègues David Dufresne ou Gaspard Glanz auraient-ils pu apporter la preuve des violences subies par les journalistes s’ils n’avaient pas été au plus près de leurs auteurs ?

CFDT-Journalistes souligne que, dès lors qu’ils exercent leur profession, les professionnels de l’information, (qu’ils possèdent ou non la carte de presse), ne sont plus de simples citoyens mais des vecteurs de la démocratie. A ce titre, aucune limitation de l’exercice professionnel n’est acceptable.

Les événements récents (Charlie Hebdo, Samuel Paty) attestent une fois de plus que la liberté d’expression est d’actualité, tout comme le droit d’informer !

Mettre les journalistes au pas et pratiquer la violence envers eux, est-ce le bon exemple ?

Comme dans le film-reportage de Dufresne l’image est primordiale pour rendre compte, et  cela ne souffre aucun compromis. Trop de dérapages se sont passés ses deux dernières années sous le gouvernement Macron, et les ministères de MM. Castaner et Darmanin.

Nous soulignons que la parole de ces ministres n’a pas été tenue. Après la réception des organisations de journalistes CFDT-CGT-DFO et SNJ et la promesse de donner des consignes de souplesse aux forces de maintien de l’ordre, les blessures et agressions par des policiers et gendarmes se sont poursuivies. A tel point que plus de trente journalistes ont porté plainte contre le ministre de l’Intérieur, et que les syndicats de journalistes se sont associés à cette démarche dans l’intérêt de la profession.

De plus, l’actuel ministre de l’Intérieur, à qui audience avait été demandée, et qui en avait accepté le principe, n’a toujours pas reçu les syndicats de journalistes. Enfin, la proposition de loi sur la sécurité intérieure déposée par le groupe LREM n’a pas été communiquée à notre organisation syndicale. Nous espérons que les députés membres de cette commission d’enquête prendront bonne note de nos observations, notamment au regard de l’article 24 qui porte sur la prise de vue et diffusion d’images de personnels de sécurité. A notre sens, quoi qu’indique ce texte, c’est bien une entrave à la loi sur la presse du 29 juillet 1881 qui est légalisée. La Fédération européenne des journalistes réunie en assemblée générale ce 3 octobre a demandé au gouvernement et aux parlementaires de retirer cet article.

Face à cela : quelle doit être l’attitude des journalistes ?

Clairement, reporteurs-photos et d’images s’opposent au floutage des visages des policiers. Cela est inenvisageable éthiquement et de toutes façons, infaisable techniquement dans les conditions de production de l’information.

Et puis, quand on est dans un voyage officiel, devrions flouter les visages des officiers de sécurité qui protègent le président de la République ou du Premier ministre ?

Assurément, dans une manifestation, les journalistes doivent pouvoir évoluer dans les deux parties (manifestants et forces de sécurité) et même entre les deux.

Assurément, les journalistes ont besoin de choisir leurs angles rédactionnels, et de prises de vue

Si pour se préserver les reporteurs, les journalistes encartés peuvent mettre leur brassard de presse délivré par la CCIJP, qu’en est-il pour les nombreux collègues en CDD, pigistes et précaires, ne disposant pas de cette carte ?

Paris, le 5 novembre 2020

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Fédération européenne des journalistes

France: les journalistes ont le droit de rendre compte du travail des forces de police

La commission des Lois de l’Assemblée nationale française poursuit ce 4 novembre l’examen de la proposition de loi relative à la « sécurité globale ». L’article 24 du texte interdit la diffusion publique d’images ou de vidéos de policiers ou de gendarmes en exercice. L’Assemblée générale annuelle de la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ), réunie en ligne, ce 3 novembre, a dénoncé cette violation de la liberté de la presse.

Initiée par six députés, dont Jean-Michel Fauvergue, ancien commissaire de police, cette proposition de loi a été engagée sous « procédure accélérée » le 26 octobre.

Ce mardi 3 novembre 2020, sur proposition du SNJ-CGT, les délégués de 53 syndicats et associations de journalistes dans 38 pays d’Europe (dont CFDT-Journalistes) ont adopté la déclaration suivante, qui demande aux autorités française le retrait pur et simple de l’article 24 de la proposition de loi:

 “ En France, le gouvernement veut interdire la diffusion d’images des fonctionnaires des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux, et pour cela il compte modifier la loi sur la liberté de la presse, de 1881.

Plusieurs députés de la majorité, dont l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ont déposé en France une proposition de loi relative à la « sécurité globale », qui attire toute notre attention.

Dans des déclarations à la presse et dans une audition à l’Assemblée nationale, ce lundi 2 novembre, l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé que cette proposition de loi était réalisée en « parfaite collaboration avec le gouvernement » dans le but de « renforcer la police ». Le ministre a souligné qu’il avait promis « de ne plus pouvoir diffuser les images de policiers et gendarmes sur les réseaux sociaux ».

Cette proposition de loi prévoit notamment ceci :

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

Cette modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, va à l’encontre de toutes les dispositions prévues sur la liberté de la presse en Europe et menace d’empêcher les journalistes de faire tout simplement leur travail.

Le code sur la liberté de la presse pour la police, rédigé par le Centre européen de la liberté de la presse et des médias (ECPMF), et soutenu par la FEJ, affirme que :

« Dans le cas d’agressions policières ou de menaces contre des journalistes, la personne agressée échoue régulièrement à identifier les agresseurs car les forces de police s’abstiennent souvent de porter des plaques d’identité. Combiné avec le faible niveau de motivation de la part du personnel de police pour témoigner contre leurs propres collègues, le fait que la police dans de nombreux pays ne peut pas être identifiée entrave une enquête approfondie de tels incidents. Les autorités nationales doivent accepter le fait que les journalistes ont le droit de rendre compte et informer sur la conduite de la police. »

Par conséquent, la FEJ, réunie en Assemblée générale, demande au gouvernement et au parlement français:

de retirer ce projet de modification d’une des plus anciennes lois sur la liberté de la presse d’Europe ;
de prendre en compte l’impérieuse nécessité pour une démocratie digne de ce nom d’assurer que l’action de ses forces de l’ordre pour la sécurité de tous les citoyens, respecte les lois de la République, ainsi qu’il est tout aussi nécessaire de permettre à tous les journalistes d’exercer pleinement le droit d’informer, qui passe par l’observation et l’évaluation et de l’action de ces forces de l’ordre, afin d’éviter toute impunité.

Le droit des citoyens à être informés ne peut s’affranchir de la possibilité que les journalistes filment et diffusent l’action des forces de l’ordre. “

Déclaration à retrouver sur le site de la Fej : https://europeanjournalists.org/fr/2020/11/04/france-les-journalistes-on…

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