Samedi de forte mobilisation contre la loi sécurité globale

« Même pas drones », « floutage de gueules »… Une vingtaine de manifestations ont réuni en France samedi 21 novembre des milliers de personnes contre la proposition de loi Sécurité globale (article 24, utilisation des drones…) et le Schéma national de maintien de l’ordre. CFDT Journalistes y était, parmi les organisateurs et les participants.

L’article 24 a été adopté vendredi 20 novembre au soir par l’Assemblée nationale. Il pénalise d’un an de prison et 45.000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » des forces de l’ordre en intervention quand elle porte manifestement « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Rien de rassurant pour les journalistes, qui se sont mobilisés avec les citoyens partout en France samedi.


Samedi à Paris, à 11h, CFDT Journalistes était à la Ligue des Droits de l’Homme pour une conférence de presse de l’intersyndicale et du collectif d’organisation de la manif parisienne. Jean-François Cullafroz, notre coordinateur national de la mobilisation contre la loi sécurité globale y a présenté nos positions et actions (Lire l’intégralité de notre déclaration en fin d’article).

L’après-midi la place du Trocadéro était noire de 7.000 personnes selon la police, et jusqu’à 25000 selon le collectif.

 

Les tours de parole se sont succédé, le collectif regroupant désormais une soixantaine d’organisations : LDH (meneuse en la personne de l’avocat Arié Alimi), Amnesty, Attac mais aussi SDJ en nombre, Reporters en colère, Réalisateurs de doc (Gaard), de films (SRF – réal de fiction) etc. Sont également intervenus LFI et Edwy Plenel, de Mediapart. Pour CFDT Journalistes Jean-François Cullafroz y a repris le texte du matin. Dans la foule, la confédération CFDT était représentée elle aussi.

Le dispositif policier était impressionnant, contrôlant même les sacs de plusieurs de nos militants journalistes. Dans la soirée 70 journalistes et pas uniquement français se sont fait nasser.


Il y avait aussi 2.000 personnes à Marseille, 1.300 à Montpellier, 1500 à Rennes, 800 à Lille, 400 à Bayonne…

A Rennes (ci-dessous et ci-dessus), où la place de la République était comble, plusieurs de nos adhérents ainsi que notre syndicat communication conseil culture de Bretagne étaient cheville ouvrière de l’organisation auprès du club de la presse. « Avec cette nouvelle loi, l’affaire Benalla n’aurait jamais existé”, a rappelé notre militante Isabelle Bordes devant la foule. L’Union régionale CFDT Bretagne était présente elle aussi.


A Lille (ci-dessus) plus de 1000 personnes étaient rassemblées devant la préfecture.

Prochaine étape : lundi 23 novembre au ministère de l’intérieur pour une rencontre de l’intersyndiale, der la FEJ et de la FIJ avec Gérald Darmanin. Notre secrétaire générale adjointe Hakima y sera.

Le projet de loi arrive devant le sénat mardi.

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Crédit des photos de cet article : dans l’ordre : Joelle Garrus, Manuela Bermudez, Hakima Bounemoura, David Adémas, Club de la presse de Bretagne, Christian Vincent.

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Texte prononcé par JF Cullafroz, CFDT Journalistes à la à la conf de presse de la LDH et (avec quelques passages raccourcis) au Trocadéro :

La liberté d’informer et le droit d’être informé sont des principes constitutionnels

« Le droit à l’information ne supporte aucune ambiguïté », telle est la position de la Confédération CFDT, qui a appelé jeudi « le gouvernement et les parlementaires à retirer l’article 24, à revoir rapidement leur copie et à assumer leur responsabilité. »

Pour la CFDT « Dans une société où les tensions sont palpables, où la défiance envers les autorités est manifeste, la proposition de loi de Sécurité globale, et particulièrement son article 24, crée une nouvelle fracture. Fracture entre des forces de l’ordre, qui doivent être défendues dans l’exercice de leurs missions face aux menaces croissantes dont elles sont l’objet, et des journalistes qui doivent être protégés sans ambiguïté dans l’exercice de leur métier. Liberté d’informer et liberté d’être informé doivent être garanties.

Cet article de loi a été rédigé comme une réponse symbolique, sans aucune concertation avec les principaux acteurs impactés. Le gouvernement et les parlementaires se sont défaussés de leur rôle de bâtir les compromis possibles pour répondre à ces deux attentes. Mais cette dérobade politique ne fait qu’hystériser le débat. Il ne faut pas prendre le moindre risque avec la préservation des droits fondamentaux comme la liberté de la presse. Un risque souligné par la défenseure des droits début novembre. »

Pour CFDT-Journalistes, qui porte fièrement dans son nom le D de Démocratie, la position claire et nette de la 1ere centrale syndicale française est un atout dans l’action des organisations syndicales de journalistes (SNJ, CGT, FO et CFDT) et de la Ligue des Droits de l’homme et de toutes les organisations membres de la coordination qui vous rassemble cet après-midi.

Et ce n’est pas pour rien !

Dans la ligne de la résistance à l’occupant nazi et au régime de Vichy, entre 1940 et 1944, dans celle du soutien de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, la CFTC devenue CFDT, a éprouvé ce qu’était le combat pour la démocratie, dans la chair de ses militantes et militants, et dans ses locaux.

Pour les journalistes, je rappelle la mémoire de Bernard Maris, les graves blessures de Fabrice Nicolino, tous deux en 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo, et plus récemment à l’automne 2018 ; les blessures de notre camarade Eric Dessons, reporteur-photographe du JDD, et septembre 2020 l’interpellation de notre collègue Gérard Fumex à Annecy lorsqu’il couvrait une action du mouvement Extinction-Rebellion. Tous membres de la CFDT.

En unité d’action constante avec le SNJ, SNJ-CGT et le SGJ-FO, membre des Fédérations européenne et internationale des journalistes, nous avons rencontré le ministre Castaner dès les premiers matraquages des journalistes et des Gilets jaunes sur les Champs Elysées. Plus récemment, nous avons protesté contre le Schéma national du maintien de l’ordre, nous sommes intervenus de concert lors d’une audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, et nous sommes dans la lutte ici et maintenant.

Bien que plusieurs groupes parlementaires et de nombreux députés se sont élevés contre l’article 24 de la proposition de loi, nous sentons que le ministre et son groupe LREM resteront droit dans leurs bottes. Comme le président Macron reste droit dans ses bottes sourd aux demandes, désirs et aspirations de la population, et notamment des plus jeunes, un chef de l’Etat dédaigneux des corps intermédiaires et de la négociation.

Pour nous, CFDT-Journalistes la proposition de loi liberticide du groupe LREM, s’inscrit dans le cadre d’une action gouvernementale de plus en plus contraignante, violente et aveugle. Une politique où le gouvernement n’hésite pas à utiliser la matraque, les LBD, les bombes lacrymogènes, drones et autres filmages comme toute réponse à la demande de dialogue.

Comme elle l’a fait hier, contre la mainmise du groupe Hersant sur la presse régionale, c’est avec la même détermination que CFDT-Journalistes dénonce une presse française, écrite, audiovisuelle et Internet, quasi majoritairement (Ouest-France et Bayard Presse font exception) aux mains d’une dizaine de milliardaires capitalistes : Bolloré, Pinault, Arnaud, Niel-Pigasse, Drahi, Bouygues, Lagardère, Rossel et consorts, qui bénéficient sans discernement des aides gouvernementales à la presse. Une presse dont les rédactions, par la voix de leurs syndicats, ont dénoncé le mutisme. Tandis que des responsables de rédaction courageux disaient leur ferme opposition à la volonté gouvernementale de régir les reportages sur les manifestations.

Comme à Paris, Bordeaux et Orléans mardi, et aujourd’hui dans une vingtaine de villes de métropole, et mardi prochain encore à Lyon, ma ville, nous continuerons dans l’unité le combat que nous avons engagé comme le Schéma national du maintien de l’ordre, la proposition de loi Sécurité globale et ses articles 21, 22 et 24 notamment, et contre le texte que propose le ministre de la Justice qui vise à dire qui est ou n’est pas journaliste.

La liberté de la presse et le libre exercice de la profession des journalistes sont étroitement liés aux libertés publiques, et en particulier au droit des citoyens d’être informé, pour pouvoir en femmes et hommes debout, libres et responsables.

Ce n’est qu’un début, pour la défense de la démocratie, continuons cette lutte avec vous et tous ensemble.

Je vous remercie de votre attention.

J.-F. Cullafroz-Dalla Riva – 21 11 2020,

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