Loi Sécurité globale : le conseil de déontologie journalistique et de médiation « s’inquiète du risque de voir se généraliser censure et autocensure »

Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), organe indépendant d’autorégulation de la déontologie de l’information composé à parts égales de journalistes, de représentants du public, de diffuseurs, éditeurs et agences de presse, agit dans le but de renforcer la confiance entre la société et les professionnels de l’information.

Il n’est pas dans son rôle d’intervenir a priori dans les débats concernant des procédures législatives ou des débats de société : son action se cantonne à l’analyse du respect des règles déontologiques professionnelles des journalistes et des médias et à répondre aux interrogations du public après diffusion ou publication.

Cependant, parce que la déontologie est consubstantielle de la liberté d’expression et du droit du public à être informé, le CDJM considère qu’il se doit de rappeler les principes suivants :

  • La liberté de pensée, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, constituent les fondements des sociétés démocratiques depuis le XVIIe siècle (Bill of Rights, 1689, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, 1eramendement de la Constitution des Etats-Unis, 1791).
  • La déontologie de l’information ne peut s’envisager que dans le cadre de la démocratie dont la liberté d’expression, la liberté de la presse, le droit d’informer, le droit du public à être informé sont les garants. Ils ont valeur constitutionnelle : préambule et article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont garantis par l’article 34 de la Constitution ; la liberté de la presse est garantie par la loi du 29 juillet 1881.
  • Ces libertés sont également protégées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui s’impose à la France comme aux autres États signataires de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France en 1970. Elle précise, dans son article 10-1 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. »

Condition essentielle de la démocratie, une information de qualité, respectueuse des citoyens auxquels elle s’adresse, ne peut s’accommoder d’un encadrement étatique de la vérité. Elle n’est possible, fiable et crédible, que si les journalistes ont librement accès aux faits, dans le souci d’assurer l’exactitude et la véracité de l’information. En particulier, la production et la diffusion des images est de la responsabilité première des journalistes, quitte à « répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (art. XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

Élaborée sous la pression des événements, la loi Sécurité globale, et spécialement son article 24, fait peser de lourdes menaces sur la liberté d’informer.

Le CDJM s’inquiète notamment du risque de voir se généraliser censure et autocensure, au mépris des règles déontologiques reconnues par les journalistes et par les médias qui les emploient. Le CDJM demande l’abrogation de ces dispositions, qui ne peuvent qu’affaiblir le crédit des médias professionnels et la confiance du public au profit de « vérités alternatives » et de théories du complot.

Le droit du public à être informé, qui est la seule justification de l’utilité sociale du journalisme, place les médias au cœur de notre démocratie et leur confère une grande responsabilité. Toute tentative de brider la liberté d’information au prétexte de renforcer la sécurité des Français ou en alléguant des désaccords sur le traitement de l’actualité menace la démocratie.

Les actualités

  • Risques du journalisme : 5 raisons de revoir la CNMJ 2021

    « Un grand reporter a le temps de se préparer avant d’aller sur le terrain. Après 2015, Charlie Hebdo, le Bataclan et les Gilets jaunes, les journalistes en France ont été confrontés à des violences qu’ils ne connaissaient pas. Plus globalement, les journalistes et notamment ceux qui enquêtent et font de l’investigation sont de plus en…

  • La CFDT-Journalistes rejoint la Maison des lanceurs d’alerte

      Le 18 mai 2021 – La CFDT-Journalistes rejoint la Maison des lanceurs d’alerte (MLA) et son collège stratégique. Dans quelques jours, notre union fédérale participera au premier conseil d’administration de la MLA, qui, rappelons-le, est une association de soutien aux lanceurs d’alerte créée en octobre 2018 à l’initiative de Sciences Citoyennes et Transparency France…

  • Propriété des médias : et si on tentait la cogestion ? Le 26 mai, grand débat CFDT-Journalistes avec Julia Cagé et Benoît Huet

    Le mercredi 26 mai, de 18h à 20h, la CFDT-Journalistes propose un grand débat en ligne, ouvert à tous, avec l’économiste Julia Cagé et l’avocat Benoit Huet, coauteurs du récent livre L’information est un bien public. Refonder la propriété des médias. Face à la concentration et à la baisse de la rentabilité des médias il faut trouver selon eux des…

  • Pologne, Hongrie… : en Europe, construire des médias indépendants pour contrer l’ingérence politique

    Les 19 et 20 avril, la Fédération européenne des journalistes (FEJ), dont est membre la CFDT-Journalistes, a organisé deux webinaires sur la manière de créer des médias indépendants pour lutter contre l’ingérence politique. Nous avons pu suivre une partie des débats. Des médias indépendants sont ô combien importants dans le contexte d’une polarisation accrue, de la désinformation et…

  • Relations entre la presse et les forces de l’ordre : la commission Delarue rétablit les équilibres

    La Commission Delarue avait quatre mois de travaux et d’auditions pour proposer des pistes visant à renouer la confiance et les bonnes conditions d’exercice entre deux professions en crise : des journalistes entravés voire molestés par les forces de l’ordre, et des policiers en proie à une hostilité et une violence croissante dans la société, dont…

Enable Notifications OK No thanks