Protection des lanceurs d’alerte et liberté de la presse: un couple indissociable

Mardi 1er février, se jouera un acte capital pour la protection des lanceurs d’alerte, mais aussi pour les relations entre les journalistes et leurs sources, dans leur travail d’enquête.

Ce jour-là, se réunit la commission mixte paritaire qui doit tenter de trouver une position commune entre sénateurs et députés sur la « proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte », portée par le député Modem Sylvain Waserman.

Un dossier suivi de près, depuis de longs mois, par une coalition de 36 syndicats et associations, constituée autour de la Maison des lanceurs d’alerte, parmi lesquels le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT Journalistes et Informer n’est pas un délit.

Des avancées balayées par un travail de lobbying

Fin novembre, le texte adopté par l’Assemblée nationale portait de réelles avancées pour la protection et l’assistance des porteurs d’alerte, ainsi que la possibilité pour eux de saisir la presse. Visiblement sensible à un travail de lobbying, notamment mené par le monde agricole, la version proposée par la commission des lois du Sénat, en décembre, balayait ces avancées.

Si la discussion du texte en séance a permis de limiter certains dégâts, le texte voté par le Sénat pose toujours de graves problèmes. Ainsi, il prive les associations et syndicats du rôle de « facilitateur d’alerte ». Ce qui permettrait pourtant de préserver l’anonymat des lanceurs d’alerte – et donc de les mettre à l’abri de certaines représailles – et de mobiliser des ressources dont ils ne disposent pas.

Il leur ferme également les portes d’une aide financière, en les obligeant à rembourser la provision pour frais de justice s’ils n’obtiennent pas gain de cause, même si leur alerte a été effectuée de bonne foi.

On voudrait dissuader les potentiels lanceurs d’alerte de passer à l’action qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

D’autres reculs concernent plus précisément les relations entre lanceurs d’alerte et journalistes, pourtant indispensables pour porter à la connaissance du plus grand nombre des faits d’intérêt général. Ainsi, le texte voté par le Sénat durcit les possibilités offertes aux lanceurs d’alerte de divulguer leurs informations aux médias.

Elle réserve également l’immunité pénale aux lanceurs d’alerte qui ont obtenu leurs informations de façon « licite ». Ce qui ouvre la voie aux interprétations sur ces moyens « licites » de récolter certaines données.

Des scandales révélés grâce à la presse et aux lanceurs d’alerte

Certains scandales seraient pourtant restés inconnus s’ils n’avaient pas fait l’objet d’enquêtes journalistiques, grâce à des documents récupérés par des lanceurs d’alerte. A commencer par les Luxleaks, mis au jour par le journaliste Edouard Perrin sur France 2, grâce aux informations transmises par Antoine Deltour et Raphaël Halet, anciens salariés de PricewaterhouseCoopers.

Des dangers de la Dépakine pour les femmes enceintes au témoignage d’un cadre d’EDF sur les dysfonctionnements de la centrale nucléaire de Tricastin, la presse a joué un rôle important dans la révélation de nombreux autres dossiers.

Pour continuer à faire notre métier en accédant librement à nous sources, pour que la France puisse s’honorer d’accorder un haut niveau de protection aux lanceurs d’alerte, nous, syndicats, associations et sociétés de journalistes, demandons avec force à la commission mixte paritaire de rétablir les dispositions contenues la proposition de loi telle qu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale.

Il en va de la liberté d’informer et d’être informé.

Le 31 janvier 2022.

Les autres signataires du texte  :

  • Profession : Pigiste
  • SDJ de l’APM
  • SDJ de BFMTV
  • SDJ de « Challenges »
  • SDJ des « Echos »
  • SDR d’Europe 1
  • SDJ de France 2
  • SDJ de France 3 Rédaction nationale
  • SDJ de franceinfo.fr
  • SDJ de FranceinfoTV
  • Société des personnels de « l’Humanité »
  • SDJ du « Journal du Dimanche »
  • SDR de « La Vie »
  • SDJ de LCI
  • Société des journalistes et du personnel de « Libération »
  • SDJ de « Marianne »
  • SDJ de Mediapart
  • SDR du « Monde »
  • SDJ des JT de M6
  • SDJ du groupe NRJ
  • SDR de L’Obs
  • SDJ du « Parisien » / « Aujourd’hui en France »
  • SDJ de « Paris Match »
  • SDJ de Public Sénat
  • SDJ de Radio France
  • SDJ de RFI
  • SDJ de RTL
  • SDJ de Sept à Huit
  • Splann ! Lanceur d’enquêtes
  • Société civile des journalistes de Sud Ouest
  • SDJ de TF1
  • SDJ de « Télérama »
  • SDJ de « La Tribune »
  • SDJ de « L’Usine Nouvelle »
  • SDJ de Premières Lignes
  • SDJ de M6
  • Club de la presse de Bretagne
  • Club de la presse de Lyon
  • Association de la Presse Judiciaire
  • Association des Journalistes écrivains pour la nature et l’écologie (JNE)
  • Ajef (journalistes éco et financiers)
  • Association des Journalistes Scientifiques de la Presse d’Information
  • Club de la presse du Périgord

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Communiqué de la Maison des lanceurs d’alerte

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