Ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, la CFDT-Journalistes a participé à l’hommage à Ghislaine Dupont, Claude Verlon et Camille Lepage et toutes celles et ceux qui sont « mortes et morts pour l’Information », avec les « Amis de Ghislaine et Claude », et l’association « Camille Lepage – On est ensemble » sur la place « Ghislaine Dupont, Claude Verlon et Camille Lepage ».
Ghislaine et Claude, en mission pour RFI, ont été enlevés et assassinés à Kidal au Mali le 2 novembre 2013. Camille Lepage, photojournaliste pigiste, a été tuée dans une embuscade en République centrafricaine le 12 mai 2014.
Nous ne les oublions pas.
Notre militante Muriel Pomponne a aussi rappelé que sont pleinement partie prenante de la liberté de la presse tous les techniciens, fixeurs, chauffeurs, traducteurs, et que les journalistes précaires sont souvent non assurés ou insuffisamment assurés.
23 tués en quatre mois
Tous les ans, la journée de la liberté de la presse permet de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession.
Depuis le début de l’année, 23 journalistes ont été tués dans le monde. Sept durant le conflit ukrainien. Selon le décompte de Reporters sans frontières, 478 sont détenus à ce jour. Parmi eux, Olivier Dubois, le correspondant de Libération et le Point, enlevé le 8 avril 2021 à Gao, dans le nord du Mali.
Ne les oublions pas.
Le journalisme à l’épreuve du numérique
Cette année, la conférence mondiale sur la liberté de la presse est organisée du 2 au 5 mai à Punta Del Este en Uruguay. Son thème ? Le journalisme sous l’emprise numérique. Les développements récents en matière de surveillance par des acteurs étatiques et non étatiques, la collecte du bug data et de l’intelligence artificielle, la désinformation sur la toile menacent notre profession, notre liberté d’expression et notre vie privée.
Il nous faut rester vigilants, faire pression et lutter pour une plus grande transparence sur la manière dont les sociétés Internet exploitent les données des citoyens, sur la manière dont elles alimentent les modèles prédictifs et l’intelligence artificielle et amplifient la désinformation et la haine.
C’est bien ce que souligne la déclaration de Windhoek, qui appelle les entreprises technologiques à « s’efforcer d’assurer la transparence de leurs systèmes humains et automatisés ».
La France, pays des droits de l’homme, n’échappe pas à cette tendance. Il suffit de consulter le dernier rapport du Conseil de l’Europe « La liberté de la presse en 2021 »
Le rapport pointe plusieurs risques
- Fondamentaux d’abord et qui pourraient, pour la plupart être contrecarrés, par des mesures simples (application stricte de la loi, statuts, conventions collectives et sanctions à tout manquement de ces derniers, droit à l’information renforcé notamment dans le cadre du “secret des affaires”).
- Economiques : le pluralisme du marché est le domaine où figurent les risques les plus élevés du rapport. Les lois anti-concentration doivent être revues de fond en comble et simplifiées. L’indépendance des médias vis-à-vis des forces du marché doit être renforcée.
- Politiques : Les interférences entre les champs politique et médiatique sont nombreuses : les rédactions de nombreux médias ont été soumises à des formes indirectes de pression politique, par l’intervention de leurs propriétaires, ce qui représente une menace majeure pour la liberté d’expression et a fréquemment pour effet de pousser les journalistes à l’autocensure. La définition française des lanceurs d’alerte devrait être étendue pour inclure des personnes morales telles que les ONG. La loi devrait leur offrir une meilleure protection, par exemple en adoptant le dispositif en œuvre au Canada, qui permet une procédure de référé d’urgence pour les cibles de procès bâillons.
- Sociétaux et particulièrement l’Inclusion sociale, notamment en ce qui concerne l’accès des minorités aux médias, l’éducation aux médias et à l’information, et les discours haineux, particulièrement en ligne.
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) et tous ses affiliés, dont la CFDT-Journalistes, exhortent les gouvernements du monde entier et les organismes internationaux à collaborer avec les syndicats de journalistes pour élaborer des réglementations strictes interdisant la surveillance des journalistes et reconnaissant l’inviolabilité de leurs communications. https://www.ifj.org/fr/salle-de-presse/nouvelles/detail/category/press-releases/article/journee-mondiale-de-la-liberte-de-la-presse-la-fij-exige-une-reponse-mondiale-dans-la-lutte-contre.html
La France au 26e rang
Reporters sans frontières a également publié son classement mondial de la liberté de la presse. La France y est classée 26e sur 180. Peut mieux faire.
RSF en souligne les principales faiblesses :
- Emprise des relations publiques et de la communication de plus en plus intense sur les médias
- Cadre légal insuffisant pour lutter contre les concentrations verticales des médias dans les mains d’une poignée de propriétaires.
- Défiance importante à l’encontre des journalistes qui se traduit par des attaques, verbales ou physiques, notamment lors de rassemblements contre les mesures sanitaires liées à la pandémie de la Covid-19.
- Violences policières en baisse mais encore présentes.
Une date clé pour nous, journalistes
Pour la petite histoire et la grande, le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la 26e session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991.
Ce fut également une réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias.