Le 8 novembre, Noëlle Bréham, productrice de l’émission Les P’tits bateaux sur France Inter, révélait dans Télérama qu’elle était en CDD d’Usage (CDDU), avec donc un statut d’intermittente du spectacle, depuis 40 ans. Refusant d’en signer un énième, car elle demandait un CDI, la collaboration s’arrêtait donc là. Jetant une lumière assez crue sur l’arrière-cuisine de la première radio de France, l’émoi suscité invite à regarder la forêt des situations de précarité, qui est érigée en mécanique structurelle de gestion du personnel à Radio France.
Mais déjà, il convient de savoir de quoi l’on parle. A Radio France, sont considérés comme journalistes ceux qui concourent aux tranches d’information, en dépendant de rédactions au fonctionnement bien structuré et filière transversale à tout Radio France. Les journalistes sont embauchés en CDI ou CDD et gérés par la DRH centrale, affectés aux rédactions des chaînes nationales ou locales en fonction des postes disponibles. Ils atteignent le CDI après des années de parcours du combattant en CDD de locale en locale, en chaines nationales au gré de potentiels remplacements de titulaires (le bien connu « planning », qui broie des générations de jeunes). Leur précarité est forte, avec son corollaire de climat au travail parfois délétère. Leur surexposition aux violences sexistes et sexuelles, particulièrement documentée par la CFDT, n’en est qu’un exemple.
La plaie du CDD d’Usage
Sur les tranches de magazines, les présentateurs/animateurs que l’on entend à l’antenne, aux manettes de ces émissions, sont dénommés producteurs. Ils travaillent de manière beaucoup plus indépendante, leurs salaires sont négociés de gré à gré, sans règles, parfois plus élevés que les journalistes, parfois beaucoup moins, en fonction du prestige. Mais toutes et tous vivent l’angoisse chaque année dans l’attente de l’annonce des grilles de la saison suivante : chacun est assis sur un siège éjectable. En effet, ils sont presque tous en CDD d’Usage (des CDD sans prime de précarité et avec possibilité dérogatoire de renouvellement), embauchés par la chaîne sur son budget de fonctionnement. La DRH centrale n’en a pas forcément connaissance… sauf quand il faut négocier le départ. Ils ne sont pas dans les effectifs de Radio France.
Pour la CFDT à Radio France, que ce soit pour les journalistes ou les producteurs/animateurs/adjoints au producteur, un principe commun conduit son action : la défense du CDI, et la négociation de droits accrus pour les précaires. Non, la saisonnalité des programmes n’empêche en rien le CDI. Non, faire tourner dans les locales les jeunes journalistes ne nécessite pas des années de CDD.
Puisque l’affaire Noëlle Bréham a braqué les projecteurs sur les producteurs et le CDDU, parlons-en. On peut toujours débattre de la nature journalistique de tel ou tel métier. En revanche, la forme normale de contrat dans le code du travail est le CDI. Radio France justifie d’y déroger par la saisonnalité des émissions, objet d’un grand mercato annuel. L’Etat actionnaire y trouve surtout un moyen de réduire l’affichage des effectifs permanents. Car évidemment, rien n’empêche les changements, même en CDI. C’est une question minimale de stabilité dont quiconque a besoin.
Des avancées obtenues pour les précaires
Les militants CFDT de l’entreprise, à l’écoute permanente des salariés, ont ces dernières années obtenu un certain nombre d’intégrations en CDI d’assistants appelés collaborateurs spécialisés. Par ailleurs, en 2017, après des années de Prud’hommes tous gagnés par les producteurs, faute d’obtenir un changement de politique des recrutements, les syndicats négociaient un accord collectif, fixant comme un droit une indemnité de départ en cas de non renouvellement de CDDU après plusieurs années de renouvellements, et ce pour des montants similaires à ceux d’un licenciement. Cela ne règle évidemment en rien l’épée de Damoclès au-dessus de leur tête, et questionne sur cette politique aberrante, préférant mettre la main au porte-monnaie plutôt que de donner une vraie place, durable, à chacun. Mais le filet de sécurité existe désormais.
Nos militants leur ont aussi négocié des droits (en 2021), tout au long de leurs contrats, pour en réduire la précarité : des barèmes minimum de salaires, une reconnaissance salariale de l’expérience (faute de prime d’ancienneté), des congés payés et jours fériés (légaux, mais qui ne leur étaient auparavant pas accordés !)…
Au vu de la dureté de l’État actionnaire et des faibles marges de négociation avec la direction de Radio France, ces avancées, résultat des efforts sans relâches des militants, ne sont pas à minimiser.
Une solution : s’engager collectivement
La gestion des carrières choque, à juste titre, pour des animateurs chers au cœur des auditeurs. Elle doit choquer aussi pour tous les autres. La tâche est grande pour dénoncer, analyser, négocier, construire du collectif dans une entreprise qui joue tant des individualismes.
Pour relever ce défi, poursuivre les combats engagés, en initier de nouveaux, nous invitons journalistes, producteurs, assistants, et tous les salariés de Radio France à la rejoindre, aux côtés de ses militants chevronnés.
Contact : journalistes@f3c.cfdt.fr