Article 24 de la loi « sécurité globale » : CFDT-Journalistes adresse une lettre ouverte aux sénateurs

Lettre ouverte à Mmes les Sénatrices et à MM les Sénateurs

Depuis plusieurs semaines, la CFDT-journalistes manifeste afin de défendre notre métier. Et notre départ de la coordination nationale « Stop loi Sécurité globale » ne change rien à notre combat.

Celui d’informer. Scrupuleusement. Consciencieusement. Librement.

Depuis quelques semaines, cet exercice est menacé. Par l’article 24 de la loi sur la sécurité globale qui, après quelques reculades, atermoiements et coups de semonce, se retrouve aujourd’hui en partie dans l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Son sort est incertain. Le nôtre aussi. Nous préférons donc prendre les devants en vous adressant cette lettre ouverte.

La CFDT-journalistes ne remet pas en cause le fait que les policiers doivent être protégés. Ils le doivent. Mais pas au détriment de la liberté de la presse. Ce serait se tromper de combat. Et de cible.

Nous demandons à ce que cette liberté, fondamentale en démocratie, ne soit pas amputée, ni même égratignée. L’article 24, en l’état, est pourtant liberticide. Il n’y a pas d’autre mot. Pour la première fois, un délit d’expression est fondé sur une intention. Une intention ? Comment la prouver ?

Déjà, la CFDT-journalistes observe que, lors des manifestations, la confusion règne. Des journalistes sont entravés dans l’exercice de leurs fonctions. Parfois molestés. Déjà, des policiers s’affranchissent des lois ou les instrumentalisent pour réduire le droit d’informer.

Un tel article ne ferait qu’exacerber cette tendance délétère.

Nous, journalistes, dans nos rédactions, travaillons régulièrement avec les forces de l’ordre en toute confiance. Un tel article pourrait la remettre en cause.

Nous, journalistes, exerçons un métier rigoureux.  Nous sommes régis par des méthodes professionnelles (vérification des sources, éléments contradictoires, impartialité) et une charte déontologique. À l’heure où tout le monde possède une caméra et une vitrine sur les réseaux sociaux, notre rôle n’en devient que plus capital. Notre travail est de contextualiser, vérifier, expliquer. Et de déconstruire les fake news.

Ainsi, l’article 24 crée, à notre sens, un amalgame aussi dangereux qu’injuste entre une profession, un droit de citoyen, et une dérive condamnable à l’heure où les réseaux sociaux sont un défouloir. Jeter tout le monde dans le même panier à salade, c’est hisser les vidéastes amateurs, les simples passants, les activistes au rang de journaliste. Alors que ce ne sont que de simples informateurs. C’est ainsi discréditer toute une profession.

Précisons que la loi de 1881 sur la liberté de la presse définit déjà les libertés et responsabilités des journalistes.

Comment imaginer que d’un côté on pourrait accepter que tous nos faits et gestes soient filmés avec la multiplication de la vidéo surveillance ? Et que d’un notre côté, nous journalistes, nous ne puissions plus prendre nos images en toute liberté ?

Mmes les sénatrices, Mrs les sénateurs, nous vous demandons tout simplement de supprimer cet article 24 et d’empêcher qu’il ne ressurgisse ailleurs sous une autre forme. Il en va de notre modèle de démocratie. De Voltaire et de Théophraste Renaudot.

Le conseil national de la CFDT-Journalistes

Paris, le 22 février 2021

 

Les actualités

  • La retraite de Plantu : Bonne route, Jean, toi le compagnon syndical de route !

    Jean Plantureux, dit Plantu, a tiré sa révérence professionnelle ce jeudi 1er avril 2021, et CFDT-Journalistes tient à saluer le parcours engagé de ce reporteur-dessinateyur de talent. Avec constance, tu as livré au quotidien sa part militante. Avec détermination, en créant l’association Cartooning for peace, tu as ouvert la porte du monde à ses collègues…

  • Conditionner les aides à la presse : les propositions de CFDT-Journalistes

    Fin décembre, la ministre de la culture confiait « une mission de réflexion sur les conditions d’accès aux aides à la presse et notamment celles relatives à la composition des rédactions » à Laurence Franceschini, présidente de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). En janvier, les représentants syndicaux de journalistes, dont la CFDT-Journalistes,…

  • Journalistes et forces de l’ordre : constats et propositions à la commission Delarue

    Les organisations syndicales représentatives de journalistes SNJ – SNJ-CGT – CFDT-Journalistes ont été auditionnées le 4 février par la commission Delarue, qui a pour objet de « proposer des mesures afin de mieux concilier le travail des journalistes et celui des forces de l’ordre, notamment lors de manifestations ou opérations de maintien de l’ordre mais aussi dans…

  • Education aux médias : vers une certification des journalistes intervenants

    L’éducation aux médias se développe, les initiatives foisonnent : c’est une bonne nouvelle ! De nombreux journalistes s’y investissent. Pour se doter d’objectifs et méthodes communs, tout en gardant la diversité des approches, une certification des intervenants est en cours de réflexion. La CFDT participe aux travaux préliminaires, grâce à son engagement au sein des…

  • Amende requise pour un journaliste considéré comme un manifestant

    Ce mardi 23 mars, le journaliste Gérard Fumex était convoqué devant le tribunal de police d’Annecy. Il répondait à une infraction liée à une intrusion sur le tarmac de l’aéroport d’Annecy alors qu’il était en reportage et suivait une équipe locale d’Extinction Rebellion. La CFDT Journalistes estime, aux côtés des autres organisations syndicales représentatives de…

Enable Notifications OK No thanks