Déduction des cotisations sociales ? Refusez dès maintenant les plans sur la comète !

L’abattement de 30% sur certaines cotisations sociales (DFS, à ne pas confondre avec l’abattement fiscal de 7650 €) devait être conditionné, à partir du 1er janvier 2023, à la présentation de justificatifs de frais restant à la charge des journalistes concernés.

Mais les employeurs, qui y voyaient un préjudice, ont obtenu que les frais n’aient pas à être justifiés. L’abattement devrait cependant disparaitre progressivement jusqu’en 2038.

Pour la CFDT, le plus simple est de cesser les plans sur la comète : refusez l’abattement dès maintenant !

Ci-après nous faisons le point sur les tenants et aboutissants de la DFS. Un article exactement à télécharger  sous forme de fiche en PDF.

L’URSSAF avait annoncé une grande bascule au 1er janvier 2023 : un serrage de vis sur l’abattement de 30% sur la base de calcul de certaines cotisations sociales pour certaines professions, dont les journalistes. Pas l’arrêt de ce « privilège », mais la nécessité de justifier de frais professionnels restant à la charge des journalistes concernés.

Revirement : le 28 décembre 2022, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) diffusait un communiqué annonçant que « Les règles applicables en 2022 pour le calcul de la déduction forfaitaire spécifique dont bénéficient les journalistes (presse et audiovisuel) sont maintenues inchangées en 2023. » Surtout, il est annoncé que :

  • la DFS s’éteindra pour les journalistes au 1er janvier 2038. A cette date tous les journalistes cotiseront sur 100% de leur salaire
  • entre le 1er janvier 2024 et le 1er janvier 2038 elle diminuera progressivement : l’abattement baissera de 2% par an pendant 14 ans : 28% en 2024, 26% en 2026, 24% en 2028, etc…. En clair : les employeurs reviendront progressivement à un niveau normal de bases de cotisations et les salariés verront l’ »avantage » sur leur salaire net de plus en plus réduit
  • durant toute cette période, les journalistes gardent donc le choix d’opter ou non pour la DFS, et la justification des frais restant à leur charge ne leur est pas demandée (contrairement aux autres professions concernées)
  • cela concerne tous les journalistes : de presse écrite et d’audiovisuel

Cette modification de dernière minute a été obtenue par certains représentants d’employeurs, qui avaient le plus à perdre à l’arrêt de la DFS (celle-ci réduit beaucoup les charges patronales sur les salaires des journalistes optant pour l’abattement), ou à l’usine à gaz à mettre en place avec le recueil des justificatifs de frais.

Ce que nous en pensons : La CFDT-journalistes, qui était sceptique quant à la mise en oeuvre en entreprise des justificatifs de frais, et opposée à l’abattement, est satisfaite que soit adopté un système plus simple et clair, allant vers un objectif unique pour tous : l’arrêt de la DFS. Si la DFS est favorable aux finances des entreprises de presse et que l’équilibre économique de nos entreprises nous importe, il nous semble cependant que les journalistes gagneront à sortir d’un dispositif que peu de journalistes comprenaient réellement, qui était injuste et risqué pour les bas salaires, en mettant en jeu leur protection sociale.


Vous n’avez pas tout compris ? On vous explique en détail !

Les journalistes titulaires de la carte de presse et leurs employeurs bénéficient, s’ils donnent leur accord écrit ou s’il existe un accord d’entreprise le prévoyant pour tous, d’un abattement (une réduction) de 30% sur la base de certaines cotisations sociales (le salaire auquel est appliqué le taux de cotisations) :

  • Cotisations accidents du travail – maladies professionnelles ;
  • Cotisations allocations familiales ;
  • Cotisations assurance vieillesse plafonnée ;
  • Cotisations assurance vieillesse sur la totalité pour la part patronale ;
  • versement mobilité.

Ces cotisations sont calculées comme si le journaliste gagnait 30% de moins et donc elles sont moindres, ce qui coûte moins cher à l’employeur et relève le salaire net. La somme des cotisations non versées est plafonnée à 7600€ / an.

Attention, l’employeur ne peut pas l’imposer. Tous les ans, il doit vous poser la question : choisissez-vous de bénéficier de cet abattement ? Et bien-sûr il faut se méfier du terme « bénéfice » !

Exemple de fiche de paie avec abattement : ici les flèches vertes indiquent les cotisations calculées à partir d’une base correspondant à 70% de la rémunération brute, et non 100% dans le cas des cotisations fléchées en jaune (base = 100%)

Pourquoi cet abattement est-il lié aux frais professionnels ?

On l’a souvent oublié, mais ces réductions de cotisations trouvent leur justification légale par le fait qu’elles doivent contribuer à la prise en charge des frais professionnels dans des métiers donnés. Le journaliste gagne plus en net en contrepartie du fait qu’une partie de ses frais ne sont pas remboursés par l’employeur.

Attention, ceci n’est pas un « privilège » accordé seulement aux journalistes. Il existe une longue liste de professions concernées – des artistes au personnel d’aviation en passant par les ouvriers à domicile… – car étant reconnues comme ayant de lourds frais. Les taux varient cependant d’une profession à l’autre.

L’URSSAF a décidé de serrer la vis depuis début 2021 mais une période de tolérance était accordée jusqu’au 1er janvier 2023 : les professions concernées n’avaient pas à justifier des frais réellement supportés. Au 1ere janvier, ces justifications sont désormais dûs, sauf dérogations…. Dont les journalistes.

Quel est l’impact de l’abattement (DFS) sur la retraite ?

Le taux plein de la retraite est égal à 50 % du salaire annuel de base, calculé sur la moyenne des 25 meilleures années et limité au plafond de la Sécurité sociale. L’éventuelle partie du salaire annuel supérieure au plafond n’est donc pas prise en compte et n’a aucun effet sur le montant de la retraite. Pour 2022, ce plafond est de 41136 € bruts. L’abattement forfaitaire est plafonné à 7.600 €.

Si votre salaire annuel brut est supérieur à 48 736 euros bruts (41136 euros bruts + l’abattement plafonné à 7600 euros), soit environ 3749 euros bruts mensuels sur 13 mois : l’abattement n’aura pas d’effets sur votre retraite, et si vous choisissez d’en bénéficier, vous payerez moins de cotisations sociales tous les mois. Mécaniquement, votre salaire sera plus élevé dans ce cas.

Si vous gagnez moins de 48736 euros brut / an (moins de 3749 euros bruts par mois) l’abattement sur les cotisations aura un effet sur le montant de votre retraite. Avec l’abattement forfaitaire, vous allez cotiser sur un salaire inférieur au plafond de la Sécurité sociale : votre retraite sera réduite en proportion. Vous avez donc tout intérêt à ne pas opter pour l’abattement, même si vous payez des cotisations sociales à taux plein.

Si le journaliste a une progression de carrière suivant son âge, les années avant 37 ans ne comptent pas (mais toutes les carrières ne sont pas linéaires, et le système de retraite pourrait changer !) mais personne ne sait en réalité quand seront ses 25 meilleures années.

Quel est l’impact de l’abattement sur la rémunération en cas de maladie ou maternité/paternité ?

Pour le calcul du montant de l’indemnité journalière de sécurité en cas d’arrêt maladie, maternité/paternité, mais aussi la pension d’invalidité et l’assurance décès est pris en compte le salaire brut soumis à cotisation. Donc, pour les journalistes optant pour l’abattement : 70% du brut. Le montant de l’IJ sera donc 30% plus faible si l’on choisit l’abattement. L’employeur est sensé compenser jusqu’à 100% (principe du maintien de salaire prévu dans la convention collective des journalistes) mais cela ne dure qu’un temps. Donc mieux vaut avoir l’IJ la plus forte possible. Là encore, la décote aura lieu seulement pour les revenus inférieurs aux plafonds :

Si vous gagnez moins de 4231€ brut / mois, l’abattement diminuera votre congé maladie car les salaires pris en compte dans le calcul de l’IJ maladie sont plafonnés à 1,8 SMIC/mois soit 2962€ brut en 2022. 2962€ correspond au salaire abattu de 4231€. Au-delà de 4231€ brut par mois, votre IJ ne progresse de toute façon pas. Sont impactés par le salaire abattu les journalistes gagnant moins de 4231€ / mois.

Quel est l’impact de l’abattement sur les droits chômage ?

L’abattement 30% (DFS) ne concerne pas la cotisation chômage (on cotise toujours à l’Assurance chômage sur la base du salaire brut intégral, et non du salaire abattu) et donc les employeurs qui appliquent cette déduction à cette cotisation doivent être informés qu’ils n’ont pas à le faire. Par ailleurs contrairement à certaines croyances dans certaines agences Pôle Emploi, le calcul du montant de l’ARE (allocation chômage) se fait bien à partir des salaires bruts, qu’ils soient ou non abattus pour certaines cotisations sociales : Pôle Emploi ne doit pas déduire 30% du monta de l’ARE (il faut donc bien le vérifier !).

Quel rapport avec la déduction du taux de cotisations ?

La DFS est un abattement sur la base brute de calcul des cotisations (l’assiette) et ne doit pas être confondue avec la déduction de 20% sur certains taux (le pourcentage appliqué à l’assiette), qui concerne aussi certaines professions dont les journalistes. La déduction sur les taux, elle, est au bénficie de tous les journalistes et n’a pas de rapport avec les frais professionnels.

Quel rapport avec l’allocation pour frais d’emploi (la déduction d’impôts pour les journalistes) ?

Les deux sont liés aux frais professionnels. La déduction de 7650 € sur les revenus, accordée notamment aux journalistes, est le volet fiscal d’une même compensation des frais professionnels (mais là, ils n’ont pas à être justifiés par le contribuable auprès de l’administration fiscale). Aujourd’hui cette déduction d’impôts n’est pas remise en cause et si oui ce sera par le biais de la loi des Finances.


Pourquoi la CFDT-journalistes est-elle contre la DFS ?

  1. Il faut préserver notre système de Sécurité sociale. Du point de vue syndical, il semble logique de pencher vers une cotisation pleine pour tous, pour une question de justice, mais aussi d’équilibre des caisses sociales. En effet, cotiser moins, c’est bien pour soi-même si cette baisse n’impacte pas sa retraite et ses IJ maladie et maternité, mais c’est un calcul très individuel.
  2. L’abattement sur l’assiette de cotisations permet aux employeurs de s’exonérer d’un vrai travail sur le niveau des salaires (puisque c’est la collectivité qui prend en charge ces revenus nets plus élevés) et sur les frais professionnels à rembourser, notamment chez les pigistes ! Cesser l’abattement obligera à en faire de vrais sujets…. on l’espère !
  3. L’abattement sur l’assiette de cotisations est injuste : les grands gagnants sont les journalistes gagnant le plus. Au-delà de 3749€ par mois (sur 13 mois) le journaliste n’a que les avantages de l’abattement : il augmente son net mais cela ne change rien à sa retraite ou ses indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ou maternité. En dessous, gagner plus en net se fait forcément avec la contrepartie du risque pris pour sa retraite et ses indemnités journalières (si l’employeur ne pratique pas le maintien de salaire). Syndicalement il n’est pas acceptable que certaines catégories de journalistes aient à faire ce choix cornélien : gagner plus, mais avoir une moindre protection sociale. La CFDT estime que n’est défendable que ce qui profite équitablement à tous, et qui n’accroit pas les inégalités.
  4. Le choix individuel de l’abattement sur l’assiette de cotisations en fonction de sa situation personnelle est extrêmement difficile à trancher au regard de la balance des bénéfices et des risques que l’on ne peut maîtriser, et les tenants et aboutissants à prendre en compte rendent ce choix totalement illisible. Syndicalement, nous ne pouvons défendre un système que personne ne comprend réellement.

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