Élections TPE : petites boites ne doit pas signifier petits droits !

À côté des mastodontes de la presse magazine, de nombreux éditeurs indépendants contribuent au pluralisme des médias. Car petite boite ne doit pas rimer avec petits droits, la CFDT présente ses candidats à l’élection des TPE (très petites entreprises). 5 millions de salariés, tous secteurs confondus, sont invités à participer du 25 novembre au 9 décembre. C’est important, car ça ne se passe que tous les quatre ans. Or la dernière fois, seuls 11% des journalistes de TPE avaient voté ! 

On les connaît peu. Elles font peu parler d’elles. Alors que les regards scrutent le plus souvent la concentration des médias et ses dérives, demeure une réalité foisonnante, éloignée des grands groupes : les très petites entreprises médiatiques, de moins de 11 salariés. 

Pourtant, plus de 3000 journalistes travaillent pour des entreprises de 10 salariés maximum. Soit plus de 10% des journalistes en France. Ce n’est pas rien.

Si l’on ne compte que les Très Petites Entreprises (TPE) du domaine des médias ayant au moins un salarié (de nombreuses autres petites rédactions n’ont qu’un gérant non salarié ou ne tournent qu’avec des bénévoles), elles seraient au moins 1900, selon des données Insee de 2024. Un tiers d’entre elles se situent en Ile-de-France. Mais Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine sont aussi des terres riches de petits médias, chacune en recensant près de 200.

Certaines de ces entreprises sont très anciennes, et n’ambitionnent pas de grossir : leur raison d’être est locale, ou leur audience est de niche. Pour d’autres, cette taille réduite est celle des années de lancement. Mais ces années peuvent durer, car atteindre 10 salariés est un cap certain pour les dirigeants de médias, dans un contexte économiquement compliqué. 

La presse écrite majoritaire

Les éditeurs de revues et périodiques en constituent la plus forte proportion (42,9%) avec 814 entreprises. On compte aussi au moins 630 radios (33% des TPE), 261 éditeurs de journaux (13,7%), 161 agences de presse (8,5%) et 33 chaînes de télévision (1,7%). Parmi ces petits médias, il y a énormément de minuscules médias : la moitié ont un ou deux salariés (et seulement 18% ont plus de 6 salariés). Dans certaines branches, les faibles effectifs sont la norme. Ainsi, 65% des répondants à une étude de la Fédération Nationale de la Presse Spécialisée (FNPS) déclaraient en 2023 moins de 11 salariés : la très grande partie de cette presse est donc due à des TPE. De même le Spiil (syndicat patronal de la presse indépendante d’information en ligne, c’est-à-dire surtout les pure players), révélait en 2023 que la moitié de ses membres avait pour modèle une équipe comprenant moins d’un journaliste permanent, deux pigistes et deux autres salariés. 

Charge de travail

Si les domaines d’activité et cultures d’entreprise varient énormément, un point commun semble cependant les relier : une équation économique fragile, des salaires peu élevés, des relations de travail forcément étroites entre tous, avec une forte interdépendance, voire une pression collective à en faire toujours plus. Dans les préoccupations que les adhérents CFDT nous remontent, les risques psycho-sociaux sont rarement loin ! Et la méconnaissance des droits, monnaie courante, y compris les basiques : le salaire minimum légal à respecter, le respect de la convention collective des journalistes… Nous leur donnons des conseils, sans nous leurrer sur la difficulté de faire valoir ses droits dans ce type de contexte. 

C’est pourquoi nous misons aussi beaucoup sur la négociation collective au niveau national. Par exemple, cet automne, devrait s’achever avec le Spiil la définition de grilles de classifications et de salaires plancher côté pure players, et les pigistes de tous ces nouveaux médias devraient enfin pouvoir s’appuyer sur un tarif minimal correct, quand jusqu’ici, les plus bas étaient malgré tout légaux.

Plus largement, nous profitons de ces élections pour réaffirmer que nous revendiquons pour les salariés TPE les mêmes droits que les salariés des grandes entreprises. Les chantiers à mener sont encore nombreux ! 


Témoignage

« Une expérience formatrice mais peu reconnue »

Dominique, 40 ans, rédacteur en chef dans une radio associative locale de 5 salariés, dont trois journalistes

« Dans une TPE, le travail est beaucoup plus flexible, moins cloisonné, très varié. Dans une même journée, je suis tour à tour journaliste, manager, technicien, je gère des bénévoles, je fais du terrain et du bureau… Aucun journaliste n’est cantonné à un sujet. C’est extrêmement formateur et je ne m’ennuie jamais. En contrepartie, je travaille au moins 45 heures par semaine, mon salaire est bas (2600€ brut). À force de tout faire et de manquer de temps pour la veille et la réflexion, la qualité peut aussi s’en ressentir. Dans une petite équipe, l’émulation est moindre. L’absence de représentation syndicale est également un manque. Quand j’ai une question sur mes droits, je suis obligé de la poser à un membre du conseil d’administration ! Ce n’est pas sain, surtout quand on est obligé de révéler ses problèmes. C’est aussi pourquoi je me suis syndiqué. Même s’il n’y a pas d’élus dans ma radio, je peux poser mes questions à mon syndicat. Aujourd’hui, je cherche un autre poste. Selon moi, cette expérience est un vrai atout sur un CV, mais je regrette le manque de reconnaissance par les recruteurs, qui privilégient des profils qu’ils connaissent déjà. Au risque du formatage ? »


Un enjeu électoral qui dépasse l’entreprise

Cette élection TPE offre  une opportunité aux salariés des petites entreprises qui ne disposent ni de délégués du personnel, ni d’un CSE, d’être représentés et ainsi de peser dans la négociation collective de branche. L’élection participe en effet à la mesure de l’audience syndicale au niveau des branches professionnelles – qui regroupent les entreprises d’un même secteur d’activité – et au niveau national interprofessionnel. Elle est aussi prise en compte pour la désignation des conseillers prud’hommes et la désignation des salariés qui siègeront par la suite au sein des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), chargées d’accompagner le dialogue social dans les TPE (voir “se défendre”). Voter pour la CFDT aux élections TPE permet donc de faire davantage entendre sa voix dans toutes ces instances. 


Les élections TPE en pratique 

  • Vous étiez salarié d’une entreprise de moins de 11 salariés en décembre 2023 ? Vous êtes électeur. Vérifiez si vous êtes inscrit : https://election-tpe.travail.gouv.fr/page/recherche-liste-electorale
  • connectez-vous avant le 9 décembre sur le site election-tpe.travail.gouv.fr. Cliquez sur le bouton « Voter». Identifiez-vous avec l’identifiant de vote et le code confidentiel reçu dans votre courrier de vote OU avec France Connect puis en choisissant l’opérateur de votre choix (impots.gouv.fr, ameli.fr, l’Identité Numérique La Poste, msa.fr, Yris ou votre compte France Connect si vous en possédez un). Sélectionnez « Je vote ». Sélectionnez « CFDT », puis suivez les instructions pour valider votre vote.

Nos conseils pour se défendre en TPE

Pas facile de défendre ses droits sans CSE. Mais pour autant, vous n’êtes pas seul.e ! 

  • Ne vous lancez pas la fleur au fusil : d’abord bien connaître ses droits, les textes applicables à sa situation, à sa branche, en contactant votre syndicat…. En local, rapprochez-vous des permanences de la CFDT (locales et départementale) sur les questions générales de droit du travail. Pour des questions spécifiques journalistes, CFDT-Journalistes est là 😉
  • Restez toujours le plus factuel, clair et courtois possible. C’est souvent plus efficace. Et surtout : dépersonnalisez, dépassionnez. Dans les petites équipes, on se connaît bien, mais prendre du recul et objectiver les faits est capital. 
  • Privilégiez les démarches collectives, par exemple en demandant une réunion sur un point à résoudre, et en étant force de propositions : à plusieurs on est plus forts ! Le syndicat peut aussi mener une action collective en justice, pour obtenir l’application d’un point de la convention collective par exemple.
  • Montez une section syndicale : dès deux adhérents CFDT dans une même entreprise, c’est possible. Le syndicat pourra désigner un représentant de section syndicale (mais pas un délégué syndical), qui pourra être l’interlocuteur de la direction et être protégé. Il ne bénéficie pas d’heures de délégation mais son rôle permet de dépersonnaliser et légitimer davantage l’action. La section peut aussi utiliser le panneau d’affichage de l’entreprise, tracter, et se réunir dans l’entreprise, en dehors des heures de travail. 
  • En cas de convocation à un entretien préalable au licenciement, faites-vous assister gratuitement par un “conseiller du salarié” extérieur à l’entreprise. Une liste de ces conseillers est arrêtée dans chaque département par le préfet et se trouve en ligne. Retrouvez-y vos contacts CFDT : ils sont formés ! 
  • Saisissez la Commission paritaire régionale interprofessionnelle de votre région pour des demandes d’informations, conseils, ou de médiation pour une résolution de conflits individuels et collectifs. 
  • Guettez l’évolution des effectifs, et quand on s’approche du seuil des 11 salariés, assurez-vous que tous sont pris en compte, y compris les pigistes (comptabilisés au prorata de leur part dans la masse salariale).

Des avantages pour les adhérents CFDT

La cotisation de tout adhérent CFDT salarié de TPE lui donne droit au bénéfice d’une plateforme de réductions sur des spectacles, vacances et bons d’achats, accessible depuis son espace adhérent : « Avantages et moi ». C’est notre façon de compenser un peu le fait que beaucoup de TPE n’ont pas de politique d’activités sociales et culturelles. 


Lire aussi l’espace Elections TPE sur le site de la CFDT-Cadres


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