Reporters d’Envoyé Spécial agressés : le propriétaire terrien condamné, une victoire pour la profession

Communiqué CFDT-Journalistes et SNJ-CGT du 23/02/2022

 

Reporters dEnvoyé Spécial agressés: le propriétaire terrien condamné, une victoire pour la profession

 

Le tribunal de police de Tarascon a condamné en première instance lundi 21 février 2022 Didier Cornille, patron influent du secteur agricole, poursuivi pour l’agression de journalistes de France 2 (Envoyé Spécial) qui enquêtaient sur ses pratiques, à 1 000 € d’amende.

Thomas et Laura, les deux journalistes devront être indemnisés par leur agresseur à hauteur respectivement de 1 000€ et 700€ ainsi qu’un euro en plus pour leur préjudice moral.

Le SNJ, le SNJ-CGT, la CFDT-Journalistes avaient apporté leur soutien à leurs consoeur et confrère en se portant partie civile au procès, le 17 décembre dernier. Ils avaient dénoncé la banalisation de toutes les formes de violence envers les journalistes. Le tribunal a condamné l’agresseur à leur verser respectivement 400€ ainsi qu’un euro supplémentaire pour leur préjudice moral.

Rappel des faits : Le 10 septembre 2020, dans la matinée, trois journalistes tournent un reportage sur les conditions de travail et de logement des salariés agricoles étrangers dans les Bouches du Rhône. Ils vont tourner des images devant le Mas de la Trésorière, un des lieux d’hébergement collectif appartenant à Didier Cornille, et loués à la société d’interim espagnole Terra Fecundis.

Peu de temps après, M. Cornille sort et fonce en voiture sur les journalistes, s’arrêtant à quelques centimètres des genoux de l’un d’entre eux. Il descend ensuite de son véhicule et se jette sur le cameraman en essayant de le frapper et de casser son matériel vidéo. Les insultes fusent et il pousse violemment une autre journaliste qui essayait de s’interposer.

 

Deux des trois journalistes de France 2 porteront plainte. La troisième, journaliste pigiste, travaillait comme fixeuse(guide-enquêtrice) et en situation de précarité, n’a pas fait ce choix, mais elle est aussi une victime.

Propriétaire de 3000 hectares entre le Gard et les Bouches du Rhône, Didier Cornille est à la tête de 20 entreprises agro-alimentaires et immobilières, plus important saladiculteur d’Europe, il est le principal client de l’entreprise d’intérim espagnole Terra Fecundis et fournisseur numéro 1 de logements pour ses intérimaires. Terra Fecundis a été lourdement condamnée en juillet dans une procédure distincte pour travail dissimulé et marchandage de main d’œuvre commis en bande organisée.

« Je suis globalement content, d’autant que le tribunal est allé plus loin que les réquisitions du parquet », a réagi Thomas à l’issue du jugement. « Cela montre bien que le motif coups et blessures volontaires a été pris en compte ». Cette décision de justice « montre que l’on ne peut pas taper sur des journalistes impunément », ajoute le reporter.

Pour la profession, cette décision judiciaire est une victoire sur tous ceux qui voudraient empêcher les journalistes de faire leur métier, d’enquêter sur le terrain, de croiser leurs sources et de jouer pleinement leur rôle de contre-pouvoir démocratique.

Mais il faut aller plus loin. Car les peines encourues pour ces violences restent trop peu dissuasives. Didier Cornille risquait seulement une faible amende dans cette affaire. Selon l’article 5-624-1 du code pénal, hors les cas de circonstances aggravantes, les violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.

Or, en France, si l’on croise tous les relevés effectués par les syndicats et ONG, on arrive à une centaine de faits d’agressions depuis trois ans et singulièrement depuis la séquence Loi Travail, les Gilets jaunes et les manifestations anti-passe sanitaire. En résumé, le journaliste est de plus en plus une cible tant pour la police que pour les manifestants ou simples particuliers.

S’en prendre à des journalistes c’est s’opposer à la capacité des citoyens à accéder à une information éclairée. Cette violence contre les reporters est désormais partout (réseaux sociaux, meetings politiques, manifestations de rue) et elle s’accentue. Le code pénal doit considérer que s’attaquer à un journaliste relève du délit et non de la simple contravention.

Dans une démocratie digne de ce nom la liberté d’informer comme toutes les libertés civiques est à la base du progrès. Les violences répétées envers les journalistes qui font leur métier sont autant inadmissibles que condamnables.

Contacts :

CFDT-Journalistes : journalistes@f3c.cfdt.fr et 06 08 57 70 60

SNJ-CGT : contact@snjcgt.fr et 06 08 48 67 94

 

 

Les actualités

  • Stupeur et solidarité après l’agression de notre confrère photographe

    Samedi 27 février le photojournaliste Christian Lantenois était violemment blessé lors d’un reportage avec une consoeur sur une rixe dans un quartier de Reims. Il se trouve depuis à l’hôpital dans un état très préoccupant. Rendre compte des faits est le travail des journalistes, y compris quand il s’agit de tensions et de violences urbaines.…

  • Article 24 de la loi « sécurité globale » : CFDT-Journalistes adresse une lettre ouverte aux sénateurs

    Lettre ouverte à Mmes les Sénatrices et à MM les Sénateurs Depuis plusieurs semaines, la CFDT-journalistes manifeste afin de défendre notre métier. Et notre départ de la coordination nationale « Stop loi Sécurité globale » ne change rien à notre combat. Celui d’informer. Scrupuleusement. Consciencieusement. Librement. Depuis quelques semaines, cet exercice est menacé. Par l’article…

  • Je suis venu te dire que je m’en vais : ces journalistes qui quittent la profession…

      L’enquête qualitative menée sous l’égide du sociologue des médias Jean-Marie CHARON dresse un constat inquiétant. De plus en plus de journalistes, notamment des femmes, désertent la profession, après quelques années de pratique, pour des raisons de paupérisation, de burn-out, de désillusion aussi. Le phénomène n’est pas nouveau : nous connaissons tous des confrères, et…

  • Chez NRJ, vraie activité partielle ou travail dissimulé ?

    Communiqué intersyndical SNJ – SNME-CFDT de l’UES Régions du groupe NRJ (concerne notamment environ 120 journalistes de NRJ, Nostalgie et Chérie FM) 16 février 2021   Journalistes et animateurs, le virus du travail dissimulé gagne-t-il le groupe NRJ ? La crise sanitaire a le dos large. Et le personnel des antennes en a plein le dos.…

  • En Biélorussie : un procès hautement symbolique

    Communiqué de l’intersyndicale CFDT – CGT-SNJ – SNJ A Minsk (Biélorussie), deux journalistes de la chaîne Belsat, Catarina Andreeva et Darja Chulcova, vont être présentées à la justice ce mardi 9 février 2021. Elles sont accusées d’avoir, le 15 novembre 2020, appelé à manifester et d’avoir perturbé le trafic à Minsk. Elles étaient simplement là…

Enable Notifications OK No thanks