Lanceurs d’alerte

  • Un prix pour les enquêtes réalisées grâce à des lanceurs d’alerte, dont la CFDT-journalistes est partenaire et membre du comité de sélection, a été lancé ce mardi 28 mars aux Assises du journalisme de Tours

    On l’ignore souvent mais les lanceurs d’alerte sont indispensables à de nombreuses enquêtes journalistiques d’intérêt général. Les LuxLeaks, le Mediator, l’affaire Clearstream…
    Si ces grands scandales ont eu un écho médiatique, c’est grâce à l’engagement de lanceurs et lanceuses d’alerte qui ont transmis des preuves, aidé à comprendre le contexte, éclairé, par leur expertise, les aspects techniques souvent complexes d’une affaire et parfois pris des risques importants pour eux-mêmes et leur famille.

    UN PRIX. La Maison des Lanceurs d’Alerte lance le prix de « l’Alerte à la Une » pour récompenser les enquêtes journalistiques menées grâce aux informations transmises par des lanceurs d’alerte.

    DES PARTENAIRES. Ce prix a été lancé ce mardi 28 mars 2023 à l’occasion des Assises du journalisme à Tours et associe syndicats de journalistes et ONG mobilisées pour la défense d’un journalisme d’investigation libre et indépendant. L’ICIJ, le Fonds pour une presse libre et The Signals Network sont membres du comité de sélection, aux côtés des principaux syndicats de la profession: SNJ, CFDT-Journalistes, SNJ-CGT ainsi que la Fédération internationale des journalistes (FIJ).

    DES CANDIDATS. Le prix s’adresse aux journalistes indépendants, aux médias et aux collectifs de journalistes quel que soient le format et l’échelle de publication (locale, nationale ou internationale) de leur enquête. Seule exigence: avoir un lien avec la France.

    DEUX PARRAINS. Antoine Deltour, le lanceur d’alerte des LuxLeaks, et Maureen Kearney, lanceuse d’alerte d’Areva et syndicaliste CFDT incarnée par Isabelle Huppert dans le film La Syndicaliste, actuellement au cinéma sont les parrains de cette première édition. 

    DATE LIMITE. Un appel à candidatures a été publié pour permettre aux journalistes qui travaillent avec des lanceurs d’alerte, ou aux médias qui les publient, de se porter candidats. Il est ouvert jusqu’au 11 juin 2023 à minuit.

  • Le tribunal judiciaire de Paris interdit à Médiapart, « sous astreinte de 10 000 euros par extrait publié », de publier la suite de son enquête sur le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau.Fin août 2022, le site d’information et d’investigation en ligne avait révélé un chantage à la sextape contre le premier adjoint au maire

    Ce dernier, le centriste Gilles Artigues, ancien député, avait été fil à son insu avec un homme lors d’une soirée intime, à l’hiver 2014, à Paris. À la suite des articles de nos confrères, une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Lyon et est toujours en cours et l’affaire avait provoqué des conséquences en cascade (démissions, licenciements) à Saint-Etienne. 

    Alors que le journal en ligne s’apprêtait à prolonger ses révélations, le tribunal judiciaire de Paris, saisi par l’avocat du maire, a censuré les suites de l’enquête de Mediapart« sans même avertir le site d’information de la demande à son encontre ni a fortiori entendre ses arguments », comme l’explique Médiapart aujourd’hui sur son site, piétinant les règles qui protègent la presse (loi du 29 juillet 1881) et, plus largement, nos libertés démocratiques fondamentales. Parmi celles-ci, l’accès à une information libre. Selon l’association des avocats experts du droit de la presse, « de mémoire judiciaire, jamais une interdiction préventive d’une publication de presse (…) n’avait été prononcée par un magistrat ». 

    Il s’agit là d’une atteinte intolérable aux droits de l’Homme et du citoyen qui sont des droits constitutionnels. Une atteinte scandaleuse au travail des journalistes qui enquêtent sur des sujets d’utilité publique et qui, en l’occurrence, n’ont même pas eu la possibilité de répliquer aux arguments développés par l’avocat du maire de Saint-Etienne.   

    La CFDT-Journalistes condamne l’instrumentalisation de la justice dans cette décision qui s’assimile à une procédure-bâillon. Cette ordonnance est d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans la continuité de la loi sur le secret des affaires, qui vise à museler les médias d’investigation. Début octobre, une autre procédure, devant le tribunal de commerce de Nanterre, avait interdit au média Reflets.info de publier la suite de son enquête sur le groupe Altice et son président, Patrick Drahi.

    La CFDT-Journalistes exprime son soutien à ses collègues de Médiapart et s’associe à tous les défenseurs des libertés publiques. En France, la censure n’existe plus. Ne la laissons pas revenir insidieusement. La CFDT-Journalistes demande expressément au gouvernement que ce sujet, essentiel, soit évoqué lors des Etats généraux du droit à l’information qui devraient s’ouvrir en décembre.

  • Les craintes des journalistes quant à la transposition de la directive européenne sur le secret des affaires étaient fondées et c’est avec stupeur que CFDT Journalistes a pris connaissance d’un jugement en référé du Tribunal de commerce de Nanterre du 6 octobre 2022, qui interdit purement et simplement au pure-player Reflets.info (société Rebuild.sh) de publier tout information concernant Patrick Drahi et le groupe Altice.

    Comme le rappelle Libération « Le groupe Altice a été victime fin août d’un important vol de données par des cybercriminels, qui ont mis en accès libre une grande quantité de documents confidentiels. Le site reflets.info a rendu public une partie des données, et notamment des informations financières sur le groupe et sur le train de vie de son propriétaire, Patrick Drahi. »

    En évoquant la « violation du secret des affaires » et en urgence, le groupe Altice et Patrick Drahi ont donc saisi la justice, afin d’empêcher toute nouvelle révélation de la part du site internet. D’où cette décision étonnante d’un juge, qui contourne allégrement le droit de la presse en interdisant a priori au site la publication de tout nouvel article sur le sujet.

    Une censure a priori

    Cette décision pose pour le moins un sérieux problème pour l’ensemble des journalistes et des médias : sera-t-il encore possible de publier des informations relatives à Altice dès lors qu’elles sont aussi présentes dans les documents mis en ligne par le groupe de pirates Hive, à l’origine du vol des données ? N’est-ce pas une censure a priori et généralisée qui se met en place ?

    Sur son site internet, Reflets.info indique vouloir faire appel de cette décision.

    > Retrouvez ici en téléchargement la décision du tribunal de commerce de Nanterre

  • CFDT Journalistes, membre de la Fédération internationale des journalistes, appelle les journalistes et défenseurs des libertés à rejoindre les manifestations organisées ce samedi 8 octobre pour la libération et l’accueil en France de Julian Assange.

    Cela fait maintenant 12 ans que le lanceur d’alerte Australien subit le courroux de Washington pour avoir a publié des documents accablants sur les États-Unis, obtenus grâce à une lanceuse d’alerte issue de l’US Army.

    C’est donc pour avoir rempli sa mission de journaliste et révélé des informations d’intérêt public que Julian Assange est depuis pourchassé et privé de liberté. Au Royaume-Uni, il a subi une année en résidence surveillée avec un bracelet électronique, puis a passé sept ans comme réfugié politique dans les locaux de l’ambassade d’Équateur à Londres. Depuis trois ans, il se trouve dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. Il risque toujours d’être extradé vers les États-Unis ou il encourt jusqu’à 175 ans de prison !

    Le 8 octobre, à 13 heures, une chaîne humaine encerclera les chambres du Parlement à Londres, au Royaume-Uni, pour s’opposer à l’extradition de Julian Assange. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) appelle les syndicats de journalistes, les organisations de liberté de la presse et les journalistes à se mobiliser et à exprimer leur solidarité. A Paris, un rassemblement devrait se tenir à 14 heures à côté de la réplique de la statue de la Liberté sur l’île aux Cygnes, sous le pont de Grenelle, dans le 15e arrondissement.

  • CFDT Journalistes dénonce au côté de La Maison des lanceurs d’alerte et d’une quarantaine d’ONG , un amendement voté mercredi 5 octobre 2022 en commission des finances à l’Assemblée nationale, qui vise à supprimer les avantages fiscaux accordés aux associations dont les militants se rendraient coupables d’intrusion sur des sites agricoles et industriels. Voici ce texte :
    « Nous, organisations citoyennes, environnementales et paysannes, dénonçons fermement l’amendement qui vient d’être adopté ce jour en commission des finances sur le PLF, qui vise à supprimer les avantages fiscaux accordés aux associations dont les militants se rendraient coupables d’intrusion sur des sites agricoles et industriels.
    Si cet amendement [1] était réellement voté en plénière, il toucherait de plein fouet l’ensemble des organisations qui dénoncent les dérives de notre système agricole et industriel, notamment via des actions de désobéissance civile. Nous appelons donc les députés à rejeter cet amendement lors du passage du texte en séance plénière.
    Cet amendement est une nouvelle preuve de l’acharnement des pouvoirs publics envers les organisations de la société civile, et une nouvelle étape pour entraver nos associations qui œuvrent pour l’intérêt général.
    Pour rappel, la loi “séparatisme”, votée en 2021, ouvre un champ large de restrictions imposées aux associations, remettant notamment en cause de possibles actions en justice des associations de défense de l’environnement et de lutte contre la corruption. Il y a deux semaines, c’est cette même loi qui a été évoquée par le Préfet de la Vienne pour revenir sur la subvention de la Mairie de Poitiers à un festival proposant des ateliers de désobéissance civile.
    Quant à la cellule Demeter, cellule de renseignement de la gendarmerie nationale, créée en 2019 sous la pression de la FNSEA, elle est toujours bel et bien active pour “lutter contre les atteintes au monde agricole”, et en réalité museler toute voix critique du système agro-industriel.
    Face à cette nouvelle tentative d’intimidation de la société civile, nous continuerons de défendre sans relâche nos libertés d’opinion et de manifestation, si essentielles face aux épreuves que nous traversons et pour la démocratie, et d’alerter les citoyennes et citoyens sur ces dérives sécuritaires.

    Organisations signataires

    • Action Non-Violente COP 21
    • Agir pour l’Environnement
    • Aitec
    • Alofa Tuvalu
    • Alternatiba
    • Altrimenti
    • Amis de la Terre France
    • APESAC
    • ASPAS
    • Association Végétarienne de France
    • Attac
    • Bio consom’acteurs
    • BLOOM
    • CFDT-Journalistes
    • CIWF France
    • foodwatch France
    • FNH
    • France Nature Environnement
    • Générations Futures
    • Greenpeace France
    • Humanité et Biodiversité
    • Les Ami.e.s de la Confédération paysanne
    • L214 Éthique & animaux
    • LPO
    • Maison des Lanceurs d’Alerte
    • One Voice
    • Oxfam France
    • Réseau Action Climat
    • SNJ-CGT
    • SOL, Alternatives Agroécologiques et Solidaires
    • Sud Recherche EPST – Solidaires
    • Terre & Humanisme
    • Virage Energie
    • VRAC France
    • WECF France
    • Welfarm
    [1] L’amendement stipule que “le bénéfice de la réduction d’impôt est exclu pour les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion sur les propriétés privées agricoles et établissements industriels ou d’actes de violence vis-à-vis de professionnels.”
  • C’est un soutien sans réserve qu’apportent CFDT-Journalistes et la section CFDT de M6 à Ophélie Meunier, notre consoeur présentatrice de M6, placée sous protection policière après avoir reçu des menaces, suite à la diffusion d’un reportage de Zone Interdite sur l’emprise des islamistes sur Roubaix (Nord).

    Egalement menacé de mort, Amine Elbahi, lanceur d’alerte qui dans le reportage explique avoir alerté la préfecture du Nord fin 2020 sur le cas d’une association de la ville diffusant des « cours coraniques » sous couvert de soutien scolaire, a lui aussi dû être placé sous protection policière.

    Les sociétés des journalistes de M6, RTL et BFM TV, ainsi que les rédactions de plusieurs médias (dont Le Figaro et L’Express) ont affiché leur soutien à la journaliste de M6, de même que l’avocat Richard Malka (qui appelle l’ensemble des médias à la soutenir). Plusieurs candidats à la présidentielle lui ont également apporté leur soutien.

    Côté syndical, sur Twitter, le SNJ et le SNJ-CGT ont également apporté leur soutien à Ophélie Meunier.

    Pour sa part, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a enfin indiqué avoir « donné instruction qu’à chaque fois qu’un journaliste fait l’objet de menaces caractérisées, il bénéficie d’une protection policière ». Une annonce dont ne peuvent que se féliciter CFDT-Journalistes et la section CFDT de M6.

    Rappelons que les violences contre les journalistes sont en hausse constante. La CFDT-Journalistes  soutient d’ailleurs un projet de loi visant à davantage les réprimer. 

    Agressions de journalistes : il est temps de renforcer la loi

    (photo : Ophélie Meunier – DR)

  • Par mail, CFDT Journalistes s’est adressé aux Sénateurs afin de soutenir la proposition de loi sur les lanceurs d’alerte, que certains amendements risquent d’affaiblir considérablement. Voici ce courrier :

    Madame, Monsieur le Sénateur

    Dans le cadre de votre mission parlementaire, vous allez être amené à vous prononcer sur les propositions de loi n°4375 et 4398 qui concernent les lanceurs d’alerte ; ces propositions de loi devant transposer la directive (EU) 2019/1937 adoptée en 2019.

    CFDT-Journaliste, membre de la Maison des lanceurs d’alerte, s’inquiète d’un certain nombre d’amendements, adoptés en commission des lois, qui ne prennent pas la mesure des enjeux et pourraient, s’ils étaient adoptés, réduire singulièrement la portée de ce texte.

    La proposition de loi sur la protection des lanceurs d’alerte portée par le député Sylvain Waserman est en effet issue de plus de deux années de mobilisation de la société civile. Elle a été adoptée à l’unanimité des groupes politiques en première lecture à l’Assemblée nationale, et porte en elle l’espoir d’un réel renforcement des droits des lanceurs d’alerte.

    Cette loi est d’une importance cruciale pour notre pays. Elle doit permettre de protéger celles et ceux qui se soucient de l’intérêt général et nous alertent sur les crises sanitaires, sociales et écologiques en cours et à venir.

    Vous avez aujourd’hui le pouvoir de changer la donne en proposant des amendements qui rétablissent les avancées votées unanimement par l’Assemblée.

    À la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, peut-on sérieusement envisager que la France ne respecte pas ses engagements européens en adoptant de telles dispositions ? Elle se doit au contraire donner l’exemple.

    Vous remerciant de votre attention, veuillez agréer, Madame, Monsieur le sénateur, l’expression de nos sincères salutations.

    A Paris, le 6 janvier 2021

    Pour le bureau national de CFDT-Journalistes
    Laurent Villette
    Secrétaire national.

  • Communiqué de la Maison des lanceurs d’alerte, dont la CFDT-Journalistes est membre du bureau.

    Le Sénat en passe de priver les lanceurs d’alerte d’une réelle protection au mépris du droit européen

    Le 15 décembre 2021, la commission des lois du Sénat a examiné la proposition de loi déposée par le député Sylvain Waserman sur la protection des lanceurs d’alerte. Cette proposition, issue de plus de deux années de mobilisation de la société civile et adoptée à l’unanimité des groupes politiques en première lecture à l’Assemblée nationale, porte en elle l’espoir d’un réel renforcement des droits des lanceurs d’alerte. Or, les propositions des sénateurs, instrumentalisés par les lobbies agricoles, ouvrent la voie à des régressions extrêmement inquiétantes.

    Alors que ce 17 décembre signe la fin du délai de transposition de la directive protégeant les lanceurs d’alerte votée par l’Union européenne en 2019, la commission des lois du Sénat propose de revenir tant sur des droits acquis par la loi Sapin 2 et la directive que sur les avancées contenues dans la proposition de loi du député Waserman. Un dynamitage du projet de loi qui, non content de mettre en péril l’adoption d’un texte avant la fin de la mandature, revient sur les fondements même de la loi Sapin II votée en 2016. Et ce, en violation flagrante de la directive de 2019 qui prévoit explicitement que le processus de transposition ne peut conduire à amoindrir la protection dont les lanceurs d’alerte bénéficient déjà en droit interne.

    À la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, peut-on sérieusement envisager que la France ne respecte pas ses engagements européens en adoptant de telles dispositions ? Elle se doit au contraire donner l’exemple.

    Le Sénat envisage en effet de restreindre considérablement le champ des personnes susceptibles d’obtenir une protection. Seuls les lanceurs d’alerte ayant dénoncé des violations du droit, ou de l’objectif poursuivi par ces règles de droit, pourront être protégés, alors que la loi Sapin 2 protège toute personne signalant ou révélant une « menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général ». Avec cette définition, un lanceur d’alerte comme Antoine Deltour, qui a révélé l’optimisation fiscale agressive des multinationales, se verrait refuser toute protection. Dénoncer les effets désastreux et le manque d’informations sur une substance chimique, un médicament autorisé sur le marché, tel que le Médiator ou la Dépakine, pourrait ne pas entrer dans la définition de l’alerte et priver les lanceurs d’alerte en question de moyens de se défendre. La définition, à rebours de la loi Sapin 2, restreint également le droit d’alerte au cadre professionnel – excluant ainsi l’usager, le patient, le client ou le simple citoyen qui étaient auparavant protégés.

    C’est ici l’essence même du droit d’alerter qui est menacée : celle de stimuler le débat d’intérêt général et faire évoluer les mentalités et les législations lorsque ces dernières accusent un retard sur les aspirations des citoyens.

    Le texte proposé par la commission des lois propose par ailleurs de supprimer la protection des associations et syndicats « facilitateurs d’alerte ». Or, lorsqu’elles apportent leur aide au lanceur d’alerte, les associations et les syndicats jouent un rôle essentiel. Ils permettent de préserver son anonymat, donnent des moyens supplémentaires d’agir, des expertises, des ressources… dont il ne dispose pas à lui-seul. Priver les organisations de protection constitue une atteinte grave à l’efficacité de celle accordée aux individus. Cette suppression expose pleinement les associations et syndicats accompagnant les lanceurs d’alerte aux représailles et intimidations de la part des employeurs. Au risque, en bout de course, de les dissuader de réaliser leur mission et de priver ainsi les lanceurs d’alerte d’alliés indispensables.

    Enfin, alors que la loi « Waserman » prévoyait une procédure permettant de rompre la précarité financière des lanceurs d’ alerte en permettant au juge de forcer les étouffeurs d’alerte à verser au lanceur d’alerte une provision pour faire face aux frais de justice, le Sénat vide largement le mécanisme de sa substance. D’une part, les étouffeurs d’alerte pourront échapper à leurs obligations en invoquant le fait que la mesure prise à l’égard du lanceur d’alerte était « dûment justifiée », ce qui ouvre la voie aux dérives. D’autre part, la provision ne sera plus acquise définitivement : les lanceurs d’alerte n’ayant pas eu gain de cause devront rembourser cette dernière. Avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui se risquera à la demander ?

    Outre ces reculs, nombre des propositions du Sénat violent directement les exigences de la directive de 2019 sur la protection des lanceurs d’alerte. Qui plus est, alors que la directive permet aux lanceurs d’alerte de saisir la presse en premier lieu en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, le texte issu de la commission exige désormais que le danger soit à la fois manifeste, imminent et d’une gravité suffisante, ce qui restreint considérablement le droit de lancer l’alerte auprès du public, au risque de priver les citoyens d’informations fiables sur des sujets d’intérêt général, en contradiction avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

    Il ne s’agit là, hélas, que d’un aperçu des reculs envisagés par le Sénat. Alors que le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée portait l’espoir d’une réelle amélioration de la protection des lanceurs d’alerte, celui proposé par la commission des lois du Sénat présage de reculs inédits, de nature à porter gravement et durablement atteinte à l’effectivité du droit d’alerter. Le risque est de dissuader les lanceurs d’alerte de jouer leur rôle de vigie démocratique et, en conséquence, de laisser des atteintes graves à l’intérêt général se produire en silence.

    À ce titre, la Maison des Lanceurs d’Alerte et les organisations qu’elle a réunies resteront mobilisées jusqu’à l’issue du débat parlementaire, et exhortent le Sénat et le gouvernement à tout faire pour, a minima, rétablir le texte dans sa version issue de l’Assemblée nationale et adopter dans les plus brefs délais cette proposition de loi. En outre, nous invitons sénateurs et gouvernement à se saisir pleinement des propositions formulées par notre coalition pour améliorer encore davantage ce texte.

    Contact presse : presse@mlalerte.org / 07 86 27 76 90

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    Liste des organisations mobilisées

    Maison des Lanceurs d’Alerte Amis de la Terre France Anticor
    APESAC

    Association E3M
    Attac
    BLOOM
    CFDT Cadres
    CFDT Journalistes
    Collectif des Associations Citoyennes Foodwatch

    France Nature Environnement FSU
    Générations Futures Greenpeace France

    Inf’OGM
    Informer n’est pas un délit Institut Veblen

    L214
    Ligue des droits de l’Homme
    Ma Zone Contrôlée
    Nothing2Hide
    One Voice
    Réseau Sortir du nucléaire
    Réseau Santé Environnement
    Ritimo
    Sciences citoyennes
    Sherpa
    Solidaires Finances Publiques
    Syndicat de la Magistrature
    Syndicat National des Journalistes Syndicat National des Journalistes – CGT The Signals Network
    Transparency International France Ugict CGT
    Union syndicale Solidaires

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  • REACTUALISATION : Le 17 novembre le texte a été adopté par 52 voix pour et aucune contre en première lecture à l’assemblée nationale. Lire le compte-rendu de cette séance. Le texte est maintenant à suivre au Sénat.


     

    Ce mercredi 17 novembre 2021, les députés examinent une proposition de loi portée par Sylvain Waserman (MoDem) visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

    Membre de la Maison des lanceurs d’alerte, CFDT-Journalistes appelle l’ensemble des parlementaires à soutenir cette initiative et à transposer la directive européenne sur les lanceurs d’alerte adoptée en octobre 2019.

    Ce serait un signal fort envoyé aux lanceurs d’alerte ainsi qu’aux organisations qui les accompagnent.

    Comme le souligne la Maison des lanceurs d’alerte :

    « la proposition de loi maintient la définition large du lanceur d’alerte mise en place par la loi « Sapin 2 ». Elle protège l’ensemble des personnes morales facilitatrices d’alerte, et supprime l’obligation d’agir « de manière désintéressée », notion floue et génératrice d’insécurité juridique. Elle supprime l’obligation actuelle de lancer l’alerte d’abord en interne, et permet conformément à la directive, de saisir directement les autorités compétentes, voire la presse. »

    Les mesures de protection prévoient aussi une immunité pénale pour l’ensemble des poursuites dont peuvent faire l’objet les lanceurs d’alerte, y compris les poursuites pour vol d’information. Elles prévoient également l’instauration d’une mesure décourageant les poursuites-bâillons, puisqu’il appartiendra à ceux qui les intentent de prendre intégralement en charge les frais de justice du lanceur d’alerte.

    Avec la Maison des Lanceurs d’Alerte, CFDT-Journalistes appelle le gouvernement et le Parlement à garantir son adoption rapide.

    La lutte contre la corruption, la préservation de la santé et de l’environnement et la défense de l’intérêt général exigent des actes politiques clairs, forts et courageux pour protéger les lanceurs d’alerte. La Maison des Lanceurs d’Alerte appelle le gouvernement et le Parlement à soutenir cette proposition de loi et ses dispositions les plus ambitieuses pour franchir un cap historique et enfin doter la France d’une législation de référence.

  • Dans une tribune collective publiée par « Monde », les représentants des principales organisations de défense des droits humains et de syndicats de journalistes et de magistrats dénoncent le traitement que la France réserve aux citoyens afghans, qu’ils soient déjà arrivés en Europe ou en attente d’une évacuation.

    « C’était en plein mois d’août. Kaboul venait de tomber entre les mains des talibans. Cela a commencé par quelques coups de fil : des collègues, des amis nous demandaient d’aider un de leurs proches, confrères ou consœurs afghans, de les évacuer au plus vite d’ Afghanistan, avant que les troupes américaines se retirent, le 31 août.

    Alors nous nous sommes mobilisés. Nous, c’est-à-dire des artistes, des journalistes, des avocats, des chercheurs, des magistrats, des défenseurs des droits humains regroupés dans des associations ou des syndicats basés en France.

    Chacun de notre côté, nous avons travaillé sans relâche, souvent avec peu d’effectifs et de moyens, pour identifier et établir des listes des personnes en danger qui nous contactaient, désespérées. Ces listes, nous les avons remises au gouvernement français, pour demander une évacuation, le soutien et l’aide de la France.

    Une aide sur laquelle certains d’entre nous ont compté au premier abord, forts des mots que vous avez prononcés, monsieur le président, lors de votre allocution du 16 août : « De nombreux Afghans, défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, sont aujourd’hui menacés en raison de leur engagement. Nous les aiderons parce que c’est l’honneur de la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs. »

    Car depuis le 31 août, malgré l’horreur, malgré l’urgence, seule une poignée de citoyens afghans a été évacuée par la France. Un nombre dérisoire malgré les engagements pris…

    Car depuis le 31 août, malgré l’horreur, malgré l’urgence, notre pays continue de réserver aux citoyens afghans le même traitement qu’auparavant, quitte à bafouer ses engagements internationaux.

    Pourchassés, placés en rétention, menacés d’expulsion

    A 7 000 kilomètres de Kaboul et de Kandahar, ici, en France, des Afghans continuent d’être pourchassés, placés en rétention, menacés d’expulsion. Pour quoi ? Pour être remis entre les mains des talibans, un régime non reconnu par la France ? D’autres continuent d’être refoulés à nos frontières ou attendent la délivrance de visas, « gelée » parfois depuis plus d’un an. Des visas auxquels leurs proches ont pourtant droit au titre du rapprochement familial !

    Il y a longtemps que ces pratiques ruinent la réputation de terre d’asile et d’accueil de la France. Aussi, face à l’horreur, face à l’urgence, un changement de politique s’impose. Vous l’avez dit vous-même le 16 août : « Nos liens d’amitié sont anciens et profonds » avec le peuple afghan. Aujourd’hui, ce peuple attend de la France autre chose qu’inaction et dérobade.

    Bien sûr, les conditions d’évacuation sont difficiles. Bien sûr, tous les Afghans ne s’exileront pas. Mais ceux et celles, parmi les plus en danger, que nous représentons doivent être protégés : ils sont dans la ligne de mire des talibans.

    A quand le respect de la dignité, de nos lois ?

    Certains ont travaillé pendant des décennies pour informer au sujet des talibans. D’autres ont dénoncé leurs agissements, les ont portés devant la justice ou les ont condamnés. Certains symbolisent tout ce que ce régime rejette : les arts, les libertés, la culture, la démocratie, l’Etat de droit. D’autres font partie de minorités, persécutées, exclues de la société conçue par les talibans.

    Aujourd’hui, parmi ceux et celles qui lancent un appel à la France, certains sont activement recherchés, leurs noms inscrits sur des listes noires. D’autres sont victimes d’agressions et d’exactions quotidiennes. Tous et toutes sont des cibles, vus comme des traîtres, des espions ou des ennemis. Tous et toutes sont pris au piège des talibans, les femmes étant doublement visées.

    Que fait la France pour leur venir en aide ? A quand la mise en place d’une procédure d’évacuation claire et la délivrance rapide de visas humanitaires ? A quand le respect du droit au rapprochement familial, l’arrêt des placements en rétention et des expulsions ? A quand le respect de la dignité, de nos lois, de nos engagements internationaux ? A quand l’arrêt du double langage ?

    Y a-t-il une réelle volonté politique de mettre en œuvre tous les moyens – certes complexes mais possibles – pour évacuer et accueillir dignement ces personnes en danger ?

    Monsieur le président, le 16 août, vous avez déclaré : « Un tournant historique est à l’œuvre ». Quel rôle la France, pays des droits humains, réputée pour sa tradition d’accueil et d’asile, veut-elle jouer dans ce tournant ? Va-t-elle être à la hauteur de l’enjeu de l’histoire, ou va-t-elle se contenter de beaux discours ?

    Vous avez le devoir, monsieur le président de la République, de respecter vos engagements. Vis-à-vis des principes que vous affirmez défendre. Vis-à-vis des Afghans. Et vis-à-vis des Français qui vous ont écouté.

    Le contraire serait une honte et une indignité.

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