Ariane Lavrilleux plus combative que jamais : « si on ne protège pas les sources, c’est la fin du journalisme »

A l’issue d’une garde à vue éprouvante, Ariane Lavrilleux a donné une conférence de presse dans les locaux de RSF, ce jeudi 21 septembre 2023.

Dans une conférence de presse tenue dans les locaux de Reporters sans frontières, ce jeudi 21 septembre 2023, Ariane Lavrilleux est revenue sur les conditions de sa garde à vue. Une garde à vue éprouvante, a-t-elle souligné, même si les enquêteurs se sont montrés « cordiaux », sans doute afin de l’inciter – en vain – à leur faire des confidences.

« A 6h05, neuf agents du renseignement et magistrats chargés de la lutte anti-terroriste ont débarqué chez moi avec valises et logiciels pour aspirer les données de mon ordinateur et de mon téléphone portable. Une juge d’instruction était sur place », a expliqué Ariane. « Ils sont allés à mon bureau et ont fouillé mes appareils à l’aide de logiciels de cybersurveillance. La perquisition faisait partie de la garde à vue, qui a continué dans les locaux et les geôles du commissariat central de Marseille. Je considère avoir été traitée comme une délinquante ! »

A lire aussi : Inacceptables perquisition et garde à vue d’une journaliste de Disclose !

Les auditions se sont alors succédé avec des questions assez étonnantes sur sa vie privée, ses diplômes, ses liens familiaux, sa vie sociale et associative et son travail de journaliste. Mais à chaque fois qu’ils ont tenté de savoir comment Disclose avait obtenu des renseignements classés de la Défense nationale, elle a évoqué son droit au silence. Et n’a pas flanché.

Des soutiens appréciés

« Savoir qu’il y avait des manifestations de soutien m’a fait beaucoup de bien, cela m’a permis de tenir » a-t-elle d’ailleurs souligné en remerciant l’ensemble des confrères, organismes et syndicats qui se sont aussitôt mobilisés. « Je n’en connaissait pas l’ampleur, j’ai juste entendu les clap-clap-clap au commissariat de Marseille (…) Sans m’en dire plus, les enquêteurs ont plaisanté de ce soutien, ils m’ont dit « vous allez devenir célèbre. »

« Pendant 39 heures, j’ai été la victime et le témoin d’un détournement manifeste des moyens de la lutte anti-terroriste, d’un détournement des moyens de la justice française ».

Ariane Lavrilleux

Sur le fond, Ariane Lavrilleux, qui a appris qu’elle était sous surveillance depuis un certain temps, ne décolère pas, dénonçant « un détournement manifeste des moyens de la lutte anti-terroriste, un détournement des moyens de la justice française » dans cette affaire. « Ce n’est pas juste l’histoire d’une journaliste placée en garde à vue : quand on attaque une journaliste, on attaque tous les journalistes. »

Pour Ariane Lavrilleux, peut-être les limiers de la DGSI, en prenant pour cible une journaliste indépendante, loin de Paris et des grands médias, espéraient-ils faire pression et envoyer un message pour que cessent les enquêtes sur les ventes d’armes. Mais c’est raté ! « Je ressors de cette garde à vue plus combative que jamais. Si on dérange, c’est qu’on est nécessaire. On va redoubler d’efforts pour que cessent les ventes d’armes aux dictateurs », conclut-elle, invitant ses collègues journalistes à se mobiliser pour défendre le secret des sources : « C’est une question politique, une question démocratique : si on ne protège pas les sources, c’est la fin du journalisme. »

« Plus combative que jamais »

Côté procédure, Ariane Lavrilleux est ressortie libre de ses 39 heures de garde à vue, sans mise en examen. Comme la loi l’y autorise , puisqu’elle est journaliste et bénéficie du secret des sources, elle a refusé que les dossiers copiés de son ordinateur soient versés à la procédure. C’est donc un JLD (juge des libertés et de la détention) qui devrait, dans les jours qui viennent, décider si ces documents pourront être utilisés par les enquêteurs ou pas. Mais personne n’est dupe : si les enquêteurs ont bien mis devant la juge d’instruction les documents copiés dans la corbeille de leur ordinateur, ils n’ont pas pour autant été réellement effacés et on peut craindre qu’ils ne se privent pas de les lire lorsque la magistrate ne sera plus là…

Tant pour Ariane que pour Disclose, c’est un long combat qui commence. La question de la protection des sources des journalistes devra aussi être débattue lors des Etats généraux du droit à l’information. Mais d’ores et déjà, tout citoyen est fondé à se demander comment, dans une démocratie, en est-on arrivé là !

A lire aussi notre communiqué intersyndical du 20/09/23.

Les actualités

  • Presse hebdomadaire régionale : les patrons interpellés par les représentants syndicaux

    En marge de la première réunion de NAO de la branche PHR, vendredi 12 mai 2023 à Paris, dans une déclaration liminaire, les organisations syndicales ont interpellé les patrons, pour les placer devant leurs responsabilités tant devant la réforme des retraites, que les problèmes de pouvoir d’achat des salariés de la branche. Voici ce texte…

  • La profession sous le choc après la mort du journaliste Arman Soldin en Ukraine 

    Arman Soldin, journaliste coordinateur vidéo en Ukraine de l’AFP, est mort mardi 9 mai sur le front en Ukraine, tué par un tir de roquette russe. Il avait 32 ans.  Ce journaliste français, tombé au travail, à Tchassiv Yar, en périphérie de Bakhmout, était un homme talentueux, sensible, passionné, et drôle. Il menait une mission des plus dangereuses, mais aussi des plus…

  • Au Monde Diplomatique comme ailleurs, la CFDT Journalistes entend défendre les plus précaires

    Pris dans une tourmente médiatique sur ses pratiques sociales, Le Monde Diplomatique a mis en ligne un article dans lequel il répond à des articles de « Libération » et « Arrêt sur images », tout en mettant en cause la CFDT-Journalistes, récemment intervenue au sein de ce titre dans le cadre d’une négociation de protocole électoral. Dans son…

  • MERCI LAURENT !

    Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a annoncé dans Le Monde son prochain départ, au 21 juin 2023. La perspective de son départ après plus de 10 ans à la tête de la Confédération, qu’il a conduit à devenir la première organisation syndicale de France, et dans un contexte de réforme des retraites où…

  • Droits des journalistes en manif : la FAQ à emporter sur le terrain !

    Dans le contexte de montée des violences sur les manifestations et des entorses régulières du Schéma national de maintien de l’ordre par certaines forces de l’ordre, la CFDT-Journalistes rappelle que la place des journalistes est clairement protégée par ce document officiel, adopté par le Ministère de l’Intérieur en décembre 2021. Rappel des principaux articles concernant les…

Enable Notifications OK No thanks