A l’issue d’un an de concertations entre le ministère de la Culture et les organisations syndicales de journalistes et d’éditeurs viennent d’être entérinées des conditions plus strictes pour l’accès aux aides postales et fiscales à la presse, qui devra pour cela justifier d’un contenu de nature journalistique et produit effectivement par des journalistes professionnels. Le décret du 21 décembre 2021 modifiant l’article D18 du Code des postes et des communications électroniques constitue un vrai pas en avant, auquel la CFDT-Journalistes et la F3C-CFDT ont contribué activement par leurs propositions et leur vigilance constante tout au long des débats.
La nouvelle écriture du décret n’apporte pas de réponses à l’ensemble des revendications de la CFDT notamment la limitation du recours en volume aux agences ou les critères d’appréciation par la CPPAP des tailles de rédaction justifiant l’octroi des aides. Cependant, cette version nous paraît de nature à être un outil potentiellement plus efficace que le texte précédent en vue de garantir à la fois le contenu journalistique des titres percevant des aides à la presse et le respect du droit du travail.
Un lien entre contenu journalistique
et auteurs journalistes
La CFDT est satisfaite que sa proposition de rédaction du décret établissant un lien entre contenu journalistique et auteurs journalistes (ils étaient précédemment distincts) ait été retenue. Selon ce texte, il n’est plus possible de prétendre recourir, pour des contenus journalistiques, à des contributeurs non salariés ou à des contributeurs salariés non journalistes. La rédaction est ainsi rétablie comme le lieu unique de production de l’information journalistique « maison » (ce à quoi s’ajoute les achats aux agences). Ce décret apparait comme un outil supplémentaire de lutte contre le recours illégal à l’autoentrepreneuriat ou le paiement en droits d’auteur qui sont un fléau actuellement dans la profession.
Présenter un contenu original ?
A partir de sa mise en application le 24 juin 2022, les titres en question (les journaux et écrits périodiques présentant un lien direct avec l’actualité) devront :
> Présenter un contenu original composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, notamment dans la recherche, la collecte, la vérification et la mise en forme de ces informations.
> Ce traitement, qui peut être apporté par des agences de presse agréées au sens de l’ordonnance du 2 novembre 1945, est réalisé par une équipe rédactionnelle composée de journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail.
> La composition de cette équipe est appréciée en fonction de la taille de l’entreprise éditrice, de l’objet de la publication et de sa périodicité » (Alinéa I de l’article D18).
Cela semble en effet ubuesque, mais jusqu’à maintenant un titre de
presse écrite n’avait pas besoin de justifier qu’il employait vraiment
des journalistes pour bénéficier de tarifs postaux et de conditions
fiscales avantageux. Seuls les SPEL (services de presse en ligne) d’IPG
(information politique et générale) devaient justifier d’au moins un
journaliste professionnel. C’est le recours aux chargés de contenu, et
non journalistes, chez Sciences et Vie (Reworld Média) qui avait poussé
la ministre Roselyne Bachelot à confier une mission sur la question à
Laurence Franceschini, conseillère d’Etat, présidente de la CPPAP.
La CFDT-Journalistes et la F3C-CFDT soulignent également le retrait de la dérogation un temps imaginée pour la presse technique et professionnelle, qui ne se serait alors pas vue appliquer ces critères. Il s’agit d’une reconnaissance de la nature pleinement journalistique de ces publications et du rôle capital assuré par les journalistes professionnels au sein de ces titres. Ce décret clarifie, en creux, la place des experts dans les titres de presse recevant des aides publiques, mais qui ne peuvent en aucun cas être pris en compte dans la composition de la rédaction.
Enfin, la CFDT-Journalistes et la F3C-CFDT soulignent avec satisfaction l’ajout d’une « clause de revoyure » dans deux ans ainsi qu’elles l’avaient proposé. Nous réitérons par la même occasion notre demande d’entrée dans la CPPAP afin que cette instance soit paritaire au sens commun du terme et afin qu’elle puisse bénéficier, dans ses appréciations, du regard des représentants des salariés, qui sont les producteurs de l’information.
Enfin, ce texte sera précisé par un autre concernant les seules publications de presse d’information politique et générale, et qui définira des seuils chiffrés. La CFDT attend une fermeté dans leur définition.
Un outil potentiellement plus efficace
La nouvelle écriture du décret n’apporte
pas de réponses à l’ensemble des revendications de la CFDT notamment celle
concernant l’équilibre qui doit être recherché entre l’attribution d’une aide
financière et la nécessité de respecter ou d’établir des dispositions sociales
ou celle relative à la limitation du recours en volume aux agences, et
n’intègre pas non plus de précisions sur les critères d’appréciation par la
CPPAP des tailles de rédaction.
Cependant, cette version nous paraît
de nature à être un outil potentiellement plus efficace que le texte précédent en
vue de garantir le contenu journalistique des titres percevant des aides à la
presse, tout en rappelant qu’un contenu journalistique est forcément réalisé
par des journalistes au sens de la loi.
La dernière modification, qui lie
véritablement contenu journalistique et auteurs de ce contenu, et qui est
apparue conséquemment à une proposition de reformulation par la CFDT, constitue
pour nous une avancée significative par rapport aux versions précédentes
débattues depuis un an. Selon ce texte, il n’est plus possible de prétendre
recourir, pour des contenus journalistiques, à des contributeurs non salariés
ou à des contributeurs salariés non journalistes. La rédaction est ainsi
rétablie comme le lieu unique de production de l’information journalistique
« maison » (ce à quoi s’ajoute les achats aux agences), étant bien
entendu que font partie de la rédaction les journalistes multi-employeurs. Ce
décret apparait comme un outil supplémentaire de lutte contre le recours
illégal à l’autoentrepreneuriat ou le paiement en droits d’auteur qui sont un
fléau actuellement dans la profession.
Par ailleurs les contributeurs
salariés non journalistes gardent leur place pour ce qui est de contributions
non journalistiques, mais ne peuvent en aucun cas compter dans la composition
de la rédaction.