Soutien au journaliste de Reporterre poursuivi alors qu’il ne faisait que son travail

Un journaliste de Reporterre est poursuivi pour avoir fait son métier : informer sur une action militante. Cette procédure menace tous les reporters. Médias et syndicats de journalistes se mobilisent contre cette atteinte à la liberté d’informer.

Le 10 novembre 2021, Grégoire Souchay, journaliste pigiste à Reporterre, le média de l’écologie, réalisait un reportage sur une action des «Faucheurs volontaires». Ceux-ci, dans la foulée des actions qu’ils mènent depuis 2003, pénétraient à Calmont (Aveyron), dans les entrepôts de la firme semencière RAGT, pour y rechercher des semences génétiquement modifiées. Le journaliste suivait les activistes, racontait leur action, les photographiait. Dans son article, publié le 12 novembre suivant, il citait aussi la réaction de l’entreprise RAGT et contextualisait l’événement, rappelant que le Conseil d’État a enjoint au gouvernement français de se mettre en règle avec la loi européenne sur les OGM obtenus par mutagenèse.

Pourtant, le journaliste de Reporterre est poursuivi par la justice, au même titre que les Faucheurs, comme s’il était l’un d’entre eux. Il sera jugé à Rodez (Aveyron) [1]. Il aurait, selon la gendarmerie, «frauduleusement soustrait des sacs contenant des semences de colza» et «volontairement dégradé ou détérioré plusieurs sacs de semence». Ces accusations sont totalement infondées. Le journaliste n’a fait que son travail d’observation et de témoignage. Et bien qu’il ait présenté sa carte de presse aux autorités, celles-ci n’en ont pas tenu compte, faisant comme s’il était un activiste parmi les autres.

Nous récusons totalement l’accusation. Si nous acceptions que ce journaliste soit condamné, ce ne serait pas seulement Reporterre qui serait atteint, mais tous les journalistes. La jurisprudence sur ce type de cas reste rare. Le risque est clair : tous les journalistes qui couvriraient des actions de militants écologistes, syndicalistes, ou autres, pourraient être accusés des délits commis par ces militants. Il y a donc bien là un enjeu crucial de la liberté d’informer et d’être informé.

Reporterre est un site d’information sur l’écologie, libre d’accès, sans abonnement, sans publicité, sans actionnaire. Il emploie quinze journalistes en CDI et est lu chaque mois par plus de 1,5 million de visiteurs uniques. C’est la troisième fois qu’un journaliste de ce site d’information est poursuivi. En juin 2020, Alexandre-Reza Kokabi avait passé une dizaine d’heures en garde à vue pour avoir suivi des manifestants ayant pénétré sur la piste de l’aéroport d’Orly. En octobre 2020, Justine Guitton-Boussion et Mannone Cadoret ont été verbalisés alors qu’ils couvraient une action d’écologistes à l’aéroport de Roissy.

Reporterre récuse ces atteintes à la liberté d’informer et d’être informé, et poursuit les procédures juridiques adéquates pour faire reconnaître le droit d’informer. La liberté du travail d’informer est vitale pour la démocratie.

Nous, soussignés, organisations syndicales de journalistes, sociétés de journalistes, collectifs et associations de journalistes, et citoyennes et citoyens, apportons notre soutien à Reporterre qui contribue à éclairer le citoyen sur l’actualité écologique et condamnons le fait que des forces de police ou des magistrats s’en prennent à des journalistes qui effectuent leur mission d’informer.

La CFDT-Journalistes est signataire de cette tribune. Quiconque peut aussi la signer ici.

[uix_dividing_line style=’solid’ color=’dark’ width=’100%’ opacity=’17’]

Lire aussi

Septembre 2021 : Un journaliste de Reporterre condamné pour avoir fait son travail ? Inadmissible pour la CFDT-Journalistes

Mars 2021 : Liberté d’informer : la CFDT Journalistes soutient Gérard Fumex convoqué devant le tribunal

 

Les actualités

  • Journalistes ukrainiens sous les bombes : La FIJ lance un appel à la solidarité

    Le 24 février 2023, cela fera un an que la Russie a envahi l’Ukraine. Les Fédérations internationale et européenne des journalistes (FIJ/FEJ) lancent une nouvelle campagne de collecte de fonds pour soutenir les journalistes ukrainiens sur le terrain. L’Ukraine est devenue le pays le plus meurtrier pour les journalistes en 2022 avec 12 collègues tués…

  • Plan social à la Mutualité Française : les journalistes frappés de plein fouet

    L’annonce, le 14 février dernier d’un important plan social au sein de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) – avec à la clé la suppression de 62 postes d’ici juillet 2023, dont tous ceux des journalistes – a été un choc pour les élus du CSE qui dénoncent « la violence et la…

  • Face aux menaces de mort visant Le Poher, la presse fait bloc

    CFDT-Journalistes est signataire d’un communiqué pour dénoncer les menaces dont font l’objet des confrères du Poher, hebdomadaire régional de Bretagne. Ce communiqué se double d’un appel à manifester samedi 25 février 2023 après-midi à Carhaix pour défendre la liberté de la presse. La Bretagne est une terre de presse et de liberté. Le Club de…

  • Mobilisation du 16 février : la retraite à 64 ans, c’est toujours et encore NON !

    Alors que la mobilisation ne faiblit pas contre le projet de réforme des retraites porté par le Gouvernement, une nouvelle journée de mobilisation intersyndicale est prévue ce jeudi 16 février 2023. La mobilisation de tous reste importante pour maintenir la pression alors que l’Assemblée nationale a prévu de discuter de ce texte jusqu’au 17 février…

  • Hommage. Géraldine Rossi, ancienne directrice de la CCIJP est décédée

    C’est avec tristesse que CFDT-Journalistes a appris, ce vendredi 10 février 2023, le décès de Géraldine Rossi, ancienne directrice de la CCIJP, qui était partie à la retraite en janvier 2014 après avoir passé 25 ans à la Commission. Durant toutes ces années, les élus de CFDT-Journalistes avaient pu apprécier sa bonne humeur, son attention…

Enable Notifications OK No thanks