Les journalistes CFDT ne veulent pas regarder monter l’extrême-droite les bras croisés

Face à la montée de l’extrême-droite, et à moins de trois semaines des élections européennes du 9 juin, CFDT-Journalistes, organisation syndicale représentative de la profession, exhorte les journalistes et tous les citoyens à ne pas sous-estimer le péril démocratique qui est en jeu, notamment au regard de la liberté de la presse, et exhorte les journalistes à contribuer à ne pas banaliser des idées et politiques destructrices de notre société et de nos valeurs. Une déclaration à télécharger aussi en PDF ici.

La montée de l’extrême-droite, en France et hors de nos frontières, nous inquiète. A la veille des élections européennes, où les sondages la placent en tête, nous, journalistes CFDT, tenons à l’affirmer : l’extrême-droite sert un projet de société qui n’est pas le nôtre.

Notre confédération porte ce combat dans son ADN, et milite activement actuellement pour décrypter son programme dans le cadre des élections européennes, et proposer un contre-projet. « Nous n’aurons de cesse de démasquer son imposture sociale, son discours antisyndical, antitravailleur et antiféministe», rappelait très récemment Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. 

Si nous nous exprimons en tant que représentants des journalistes en particulier, c’est que l’information est un pilier de la démocratie : les journalistes ont un rôle capital pour relater ce que vivent nos concitoyens, rendre compte et faire vivre le débat public, pour dire ce qui risque d’être tu. Or, nous savons, avec les exemples de la Hongrie, l’Italie ou la Pologne, combien les régimes extrémistes sont les ennemis de la liberté de la presse, et combien notre cadre législatif risque d’être fragilisé. Nous ne sommes pas alarmistes, mais lucides.

Déjà, en France, nous voyons que les journalistes ne sont pas les bienvenus à certains meetings politiques, ou triés sur le volet. Nous voyons aussi des attaques de groupes extrémistes contre des médias traitant de l’information sur les migrations, comme le Poher en Bretagne.

Mais l’information est aussi manipulée par les extrémismes, pour servir leur projet. En France, il est évident que l’extension progressive de médias d’opinion, réduisant la place des faits, dans un contexte manquant de remparts efficaces contre la concentration des médias, est un instrument de dédiabolisation massif. 

Gare à la petite musique actuelle, de plus en plus présente, qui tente de faire passer les réactionnaires pour des défenseurs des libertés. Lorsque l’extrême droite défend la liberté d’expression, ce n’est en réalité qu’une fausse liberté de pouvoir tenir des propos discriminatoires, sexistes, racistes ou xénophobes sur des faits ou des lois républicaines qualifiées de « liberticides ». Ceci est condamnable par la loi.

Nous constatons aussi que certaines digues tombent, même dans les médias ne partageant pas cette idéologie : l’éviction d’antenne de la journaliste de radio locale Barbara Olivier-Zandronis, en décembre dernier après une interview musclée de Jordan Bardella, a choqué la profession.

Évidemment, le débat public pâtit de la montée de tous les extrêmes. Évidemment, l’extrême droite et les idées qu’elle porte progressent pour de multiples raisons, et il ne s’agit pas de dédouaner les gouvernements successifs, ni de pointer uniquement le facteur de la médiatisation.

Évidemment, peuvent légitimement exister des médias de toutes lignes éditoriales, et nous soutenons les droits de tous les journalistes, y compris ceux qui subissent les orientations de leurs directions. Évidemment, les médias doivent donner la parole aux représentants de toutes les opinions. Mais la nécessité du pluralisme doit toujours s’assortir d’un maintien des fondamentaux du journalisme et de sa déontologie. 

Dans ce contexte, nous estimons que l’Etat français ne joue pas suffisamment son rôle : il faut absolument élever des digues pour protéger la liberté de la presse, l’indépendance des rédactions, contenir la concentration des médias, les procédures bâillon, empêcher tout espionnage des journalistes, protéger leurs sources, promouvoir une vision unique de la déontologie des journalistes, issue de la charte de Munich… Et, bien-sûr, renoncer à la réforme de l’audiovisuel public : une holding est inquiétante en soi, mais elle serait littéralement dangereuse aux mains d’un gouvernement malveillant. Nous comptons sur l’État pour prendre sa part du combat, et les mesures nécessaires, à l’issue des États généraux de l’information.

Dans ce contexte, encore, prenons garde à ne pas nous endormir face à la banalisation de certaines idées. Nous, journalistes, avons un rôle capital pour l’en empêcher. 

C’est pourquoi, nous invitons tous les journalistes et tous les éditeurs à :

  • Se former sur ce que sont l’extrême-droite et les populismes en général, afin de savoir les comprendre, les analyser, débusquer leurs éléments de langages. 
  • Refuser tout compromis à la présentation objective des faits : le RN, Reconquête, sont et doivent être présentés comme des partis d’extrême-droite (ils le sont, le Conseil d’État l’a récemment réaffirmé), du choix des mots au choix des couleurs dans les infographies. 
  • Refuser d’utiliser un vocabulaire de l’extrême-droite : « Français de souche », « grand remplacement », … 
  • Se former sur les stéréotypes et s’opposer à tout traitement stéréotypé de l’actualité, au détriment de certaines populations
  • Réagir en cas de propos condamnables par la loi, dans leurs rédactions, ou par des personnes interviewées, notamment sur leurs plateaux
  • Mener une réflexion collective sur le traitement de certains faits divers et des polémiques, en ayant présent à l’esprit l’impact de ces tendances sur la montée des idées extrêmes. Faire de l’audience, à tout prix ?
  • Se défendre en cas de pressions : demander le soutien de leur syndicat le cas échéant, et soutenir leurs collègues concernés
  • Faire vivre la loi Bloche, par des chartes de déontologie qui intègrent cette préoccupation, et par un examen annuel en CSE, occasion d’un débat de fond, de forme, et de valeurs
  • Mettre en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour que les rédactions soient un lieu de diversité, où se vive le dialogue et la fraternité

Paris, le 21 mai 2024                                                                             

Contact : journalistes@f3c.cfdt.fr


La CFDT, 1er syndicat de France, une force pour lutter contre l’extrême-droite !

Retrouvez ci-après de nombreuses ressources de notre confédération.

Visionnez le replay du webinaire CFDT « L’extrême-droite : montrons son vrai visage ! » :

Téléchargez le Powerpoint de la chercheuse en sciences politiques Nonna Mayer, édifiant notamment sur l’évolution de la perception de l’extrême-droite.

En savoir plus ? La CFDT a publié la synthèse d’une étude d’expertise, réalisée par un cabinet d’audit indépendant, décryptant comment les partis politiques français ont voté ces dernières années sur des textes importants du Parlement européen. Le Rassemblement national s’est constamment abstenu ou a voté contre des lois ou des résolutions pour l’égalité femmes/hommes, la relance économique des pays de l’UE après le Covid-19, pour le soutien à l’Ukraine, ou encore pour le devoir vigilance des entreprises sur leurs impacts sur les droits de l’homme et de l’environnement (travail des enfants, esclavage, pollution et déforestation, etc.). Découvrez ce rapport aussi factuel qu’accablant pour le RN et pour sa politique européenne.

Retrouvez aussi tous les visuels CFDT de campagne anti-RN , à diffuser largement, dont les exemples ci-après :

Et tous les éléments de campagne CFDT pour les Européennes.

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