8 mars : Journalistes, débusquons les stéréotypes de genre

 

Pour la journée internationale des droits des femmes, le lundi 8 mars 2021, la CFDT-Journalistes a choisi d’inviter ses adhérents et tous les journalistes à questionner leurs pratiques, à travers l’opération « l’heure du tamis ». Pour briser la chaîne des stéréotypes et ne plus être les relais d’un sexisme insidieux, passons au crible nos écrits, vidéos et photos. 

Petits qualificatifs, clichés plus tenaces ou images réductrices : la lutte contre le sexisme est loin d’être gagnée. Car elles sont profondément ancrées, les journalistes peuvent aussi véhiculer des idées sexistes – conscientes ou pas.

La proposition de la CFDT-Journalistes le 8 mars 2021 : relire nos productions en se questionnant sur le choix de l’intervenant.e.; sur les termes employés ; les images choisies, les questions posées… Prenons tous une heure pour relire, visionner ou écouter l’un de nos derniers sujets en se posant une série de questions (voir encadré).

Une heure pour prendre conscience

Lieu : chez soi ou dans sa rédaction, son syndicat, son association de journalistes, seul ou en petit groupe.

Lundi 8 mars, de 12h30 précises à 12h45, une journaliste et adhérente CFDT de la Voix du Nord pratiquant déjà le tamis dans sa rédaction expliquera cette démarche en visio.

Puis, pendant les 45 minutes suivantes (ou le temps que vous souhaiterez accorder), penchez-vous sur votre propre production (article, photo, reportage vidéo, son, etc) en choisissant de manière arbitraire un exemple récent.

Dans la foulée, faites savoir que vous avez participé, et faites connaitre vos observations (pas de panique, ce n’est pas un examen !) en renseignant un formulaire en ligne (anonymat possible)


Suivre la visio de 12h30 à 12h45 le 08/03/21


Renseigner le tamis en ligne

Une expérience initiée à la Voix du Nord

A l’origine de cette démarche se trouve le collectif « Ouvrons la Voix » composé de femmes et d’hommes journalistes du quotidien régional La Voix du Nord dont une des chevilles ouvrières est une militante CFDT. Il a obtenu que la direction de la rédaction et la rédaction en chef s’engagent à valoriser la place des femmes dans les contenus du journal comme dans ses organisations.

Ce tamis fait partie des actions préconisées, et pratiquées régulièrement au sein de la rédaction du quotidien régional. Il est suggéré aux journalistes de relire leurs articles après écriture en se posant des questions systématiques sur la façon dont ils/elles ont choisi, présenté, cité, montré des interlocuteurs féminins ou masculins. Et le journal est régulièrement feuilleté collectivement sous ce prisme.

NOTA : Tous les exemples explicatifs des tamis ci-dessous sont issus des observations menées par le collectif Ouvrons la Voix et la rédaction, au sein de La Voix du Nord.

Tamis rédactionnel

Est-ce qu’une femme pourrait avoir une place dans ce sujet ?

Ainsi lors d’un feuilletage sur une semaine de parution de La Voix du Nord, nous avons relevé que sur ces 341 interviews réalisées, dans 103 cas nous aurions pu choisir un interlocuteur différent.

Covid et impact sur les commerces, dans un article en locale : trois femmes interrogées sur dix commerçants.

Sujet sur les intermittents du spectacle pendant le confinement dans une édition locale :  4 interviews d’hommes, pas une seule femme.

Est-ce que j’aurais présenté/posé les mêmes questions à un homme ?

Sur leur vie personnelle par exemple, familiale. Cas type : comment conciliez-vous vie pro et perso ?

Ainsi à l’occasion de la présentation de participants nordistes à une émission télé : on donne la profession des deux hommes et de la femme mais  on dit uniquement qu’elle est “maman célibataire de trois garçons”. De manière générale, on ne demande qu’aux femmes si elles sont mères, pas aux hommes s’ils ont des enfants. (préconisation : pour tous ou seulement si cela a un intérêt)

Lu encore : Claire Cochet, professionnelle du tourisme et « mère de famille ».

La personne est-elle décrite physiquement parce que c’est une femme ?

Elle est souriante et porte une robe printanière. Et la chemise de son pendant masculin est-elle à fleurs elle aussi ? On dit plus souvent qu’une femme est jolie, pas qu’un homme est beau.

Cet article comporte-t-il des termes sexistes ?

Exemple dans un article sur des noces d’or : Elle est “dans la réserve” tandis qu’il aime le contact ; “cet équilibre serait-il le secret de la longévité de leur couple?”

Lors d’un conseil municipal : “Le conseil se penche ce soir sur un budget de bon père de famille”

Sport : “Le Portel est allé chercher une ‘victoire d’hommes’ et reprend son destin en main”

Papiers Covid : les professionnels concernés sont ainsi présentés : des médecins, des kinés et des infirmières (alors qu’il y a aussi des infirmiers)

Rôle de la femme minimisé : « Le patron qui tient la boulangerie-pâtisserie avec sa femme Cécile ».

Certains noms de l’article pouvaient-ils être féminisés ?

On préconise également de féminiser tous les noms de métiers et fonctions, y compris lorsque l’interlocutrice ne le souhaite pas. Ex : nous appellerons désormais Martine Aubry LA maire de Lille.

Les interlocuteurs du sujet ont-ils bien tous soit un prénom, soit un prénom et un nom, qu’ils soient hommes ou femmes ?

Ouverture d’une librairie : « Bertrand Teulet et sa compagne Marion »

Dans un article sur la reprise de Camaïeu, plusieurs acteurs du dossier sont cités : Michel Oboyan et Wilhelm Hubner, qui ont fait l’offre de reprise, Thierry Siwik, délégué CGT, Cherif Legba, délégué FO, Stéphane Ducrocq, avocat des salariés, Mélanie, vendeuse.

Mélanie est la seule à ne pas avoir de nom. Cela pose aussi la question de l’attention à avoir quant au statut social de nos interlocuteurs et pas seulement au sexe. Est-ce parce qu’elle n’est « que » vendeuse que son nom n’est pas donné.

Ce constat a pu être fait aussi dans les sujets dans les écoles : les instituteurs (institutrices) ont leurs prénom et nom ; les ATSEM que leur prénom.

Cas particuliers des faits divers et violences conjugales

Voici des exemples de ce qu’on ne veut plus lire :

Alors qu’un homme est condamné pour des attouchements sur ses filles, on le décrit par ailleurs comme un “papa en or” par son entourage.

« La jalousie d’un homme à l’origine du meurtre » : Non la jalousie n’est pas une excuse au féminicide.  On en reste aux faits : en l’occurrence : « Il étrangle sa compagne”.

« Aniche : condamné pour des bisous volés à la jeune fille qu’il hébergeait » : Non, c’est une agression sexuelle pas des bisous volés.

« Une jeune femme draguée et frappée dans le métro » : Non, elle a été harcelée.

Préconisations : ne pas faire d’humour ; ne pas minimiser les faits ; rester dans le factuel

Tamis image

Est-ce que je peux mettre une femme à la place d’un homme sans dénaturer l’information ?

C’est le type même de photos « générales » sans interlocuteur particulier, photos d’illustration encore trop souvent majoritairement « masculines ».

Nous distinguons ainsi les interlocuteurs « acteurs » (ceux qui ne sont pas interchangeables mais sont imposés par le sujet : comme le ou la maire d’une commune, le directeur/la directrice d’association, le ou la gérant(e) d’entreprise…). Des « témoins », ceux qu’on choisit d’interroger pour avoir leur avis (micro-trottoir le plus souvent).

Est-ce que je véhicule une image stéréotypée/sexiste des femmes à travers cette photo/ vidéo/ illustration ?

Exemple type : les photos au télétravail. Les hommes sont bien installés à un bureau ou sur la table de la salle à manger avec plein de dossiers autour de lui. Les femmes sont installées dans le salon, dans la cuisine en train de préparer le repas en même temps ou, si elle est à son bureau, il y a des jouets pour montrer qu’elle est mère de famille aussi. Ce qui n’est jamais fait pour un homme.

Est-ce que je représenterais un homme de la même façon ?

Est-ce que la photo est posée ? Et comment l’est-elle le cas échéant ?

Est-ce que ça a un sens que ce soit une femme/ un homme sur cette photo ?

Dans le choix de la photo a-t-on privilégié un homme ou une femme à bon escient.

Cette femme est-elle choisie/ écartée sur des critères physiques ?

Lors de reportages avec plusieurs interlocuteurs, lesquels ont été retenus pour les photos alors que dans le texte, c’est parfois un ou une autre qui témoigne le plus.

Journalistes, le changement de regard sur le sexisme doit commencer chez chacun d’entre nous. Nous devons toutes et tous apprendre à débusquer les stéréotypes de genre pour ne plus en être les relais.

Aller plus loin

Téléchargez le tract de l’action L’heure du tamis, et diffusez le dans votre entourage !

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