Le programme des Etats généraux de l’information annoncé le 3 octobre est riche et important. Pourtant, en omettant de mentionner les journalistes à la fois comme sujet (leurs conditions de travail, leur sécurité, leur indépendance…) et acteurs à part entière de cette grande consultation, ce fut pour nous un gros loupé. Le pedigree des présidences de groupes de travail, tous dans la sphère dirigeante ou de « sachants », a aussi de quoi faire grincer des dents. Le tir a commencé à être rectifié. Nous attendons à être véritablement associés.
Le mot journaliste ? Tabou ! Pas une seule mention parmi les intitulés des 10 priorités et 5 groupes de travail. Le mot précarité ? Tabou ! Le mot conditions de travail ? Tabou. Le mot rémunération ? Tabou !… Nous étions sept du conseil national de la CFDT-Journalistes à assister, mardi 3 octobre, à la conférence de presse de lancement des Etats généraux de l’information (EGI) par son délégué général Christophe Deloire, son président Bruno Lasserre et trois membres de son comité de pilotage (Nathalie Collin, ex dirigeante de l’Obs et DGA de la Poste, Nathalie Collin, une universitaire spécialiste du patrimoine, Camille François, et une économiste de renom Anne Perrot).
Tout le long de la présentation, notre conseil national est resté sur sa faim, interloqué par l’usage de la langue de bois. Il n’était question que « d’espace informationnel », de « résonance démocratique », de « plateformes », sans nommer les GAFAM par exemple, et en restant très flou sur les contenus.
Dès le début le ton était donné. « Les EGI ne sont pas un exercice de spécialistes de l’information, vers les spécialistes de l’information, mais de mettre les Français, au cœur de la réflexion ». En clair, ils s’adressent aux citoyens lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou aux déçus de la presse. « On veut des gens qui puissent prendre de la hauteur et dépasser les intérêts particuliers ». Pas de problème, pour CFDT-Journalistes, prendre de la hauteur, on sait faire ! On s’attendait quand-même à être explicitement cités parmi les professionnels invités à s’exprimer, pourtant pas une mention des syndicats, ni de la profession en tant que telle.
Parler des conditions d’accès au métier
Le délégué général Christophe Deloire a énoncé trois valeurs fortes : « le respect de la commande » du chef de l’Etat ; « l’indépendance, autant vis-à-vis des politiques, des forces économiques… et syndicales », (pourtant le pouvoir économique est bien présent à la tête des groupes de travail, dont Pascal Ruffenach président du directoire de Bayard Presse, est vice-président du SPQN ) ; et « traiter l’information comme un bien commun »… sans s’attarder sur ceux qui la font, donc sur nous.
La lettre de mission d’Emmanuel Macron adressée le 2 octobre au comité de pilotage liste pourtant bien « les conditions d’accès au métier de journaliste et son exercice » parmi les réponses à apporter. Nous avons hâte de pouvoir parler insertion professionnelle et accès à la carte de presse, pour tous ceux dont les niveaux et modes de rémunération imposés par les éditeurs sont un sérieux obstacle. Parmi tous les sujets sur lesquels nous apporteront des idées de réformes, y compris législatives.
Au programme, 3 modes de participation : citoyenne, via une consultation en ligne auprès du CESE (Conseil économique, social et environnemental) partenaire de l’opération ; professionnelle, via une contribution écrite sur le site des Etats généraux, et avec le monde de la recherche (dont un « Innovation lab » avec l’université Columbia à New York). Des thèmes copieux et tous azimuts, seront discutés dans 5 groupes de travail, accueillant 10 coordinateurs maximum chargés d’organiser et synthétiser la consultation.
Poser la question des journalistes
Il a fallu que nous posions la question sur la place des journalistes pour que l’on nous réponde « Mais vous êtes partout ! ». Pas franchement évident, car nous, journalistes, nous avons eu l’impression d’être nulle part. Il fallait aussi deviner que notre place était dans le groupe n°3, intitulé « l’avenir des médias d’information et du journalisme », présenté d’abord essentiellement comme axé sur les modèles économiques. Le site des Etats généraux précise : « Il se penchera également sur les questions relatives au statut des journalistes et à la liberté de la presse ». Ce groupe essentiel s’annonce comme fourre-tout, et il faudra réussir à y dégager une place pour nos sujets ! Espérons que le thème 2 de la consultation citoyenne du CESE « la protection des journalistes et de leurs sources, en France et à l’étranger », permettra de défendre davantage la protection nécessaire des journalistes, sur tous les plans !
Les débats s’organiseront aussi sur la place publique, sous chapiteaux, ou dans les missions locales notamment pour toucher les jeunes, dans toutes les régions de France. Et les parlementaires, comme les professionnels, seront auditionnés.
Et avec tout ça, il faut se dépêcher. Pour la contribution citoyenne, c’est jusqu’au 12 novembre. Pour candidater à l’un des groupes (en tant que membre de l’équipe de coordnateurs), c’est jusqu’au 9 octobre, avec le résultat de ce casting qui devrait retenir les gens « qui ont du temps… et le souci de l’intérêt général » annoncé pour le 16 octobre.
Les syndicats de journalistes seront reçus
L’expression de notre insatisfaction n’a pas été vaine : le 4 octobre un tweet des Etats généraux s’est fait plus explicite sur la participation de la profession, garantissant à tous les syndicats et associations de journalistes de participer aux groupes de travail. Et le 5 octobre, un rendez-vous entre Christophe Deloire, Christopher Baldelli, président du groupe 3, et les quatre organisations syndicales représentatives des journalistes, était en cours de calage.
Bien déterminés à faire entendre sa voix, la CFDT-Journalistes réfléchit déjà à des actions parallèles, et concomitantes aux dates qui seront annoncées dans l’agenda général. Auprès des adhérents, mais aussi du public intéressé par l’information. Faisons de ces États généraux une chance de rencontre entre les journalistes et les citoyens et de reconnaissance du rôle majeur de notre profession dans notre démocratie !
Lire le communiqué intersyndical du 03/10
Ecouter la réaction de notre secrétaire générale sur France Culture (à 2mn49).