VISA POUR L’IMAGE : Les revendications CFDT pour la survie des photojournalistes

 

A l’occasion de Visa pour l’image, CFDT-Journalistes publie sa plateforme revendicative concernant les photojournalistes : 12 constats et autant de revendications adressées principalement aux éditeurs, mais aussi aux instances paritaires de la profession et à l’Etat.

Les chiffres de la Commission de la carte sont éloquents : les photojournalistes sont de moins en moins nombreux.

2000 : 1 393 reporters photographes titulaires de la carte de presse délivrée par la CCIJP

2014 : 816 

2018 : 623 (dont 407 mensualisés et 216 pigistes)

2022 : 306 (dont 202 mensualisés et 104 pigistes)

Depuis l’arrivée du numérique et ses nouvelles technologies, le métier de photographe de presse subit une longue érosion, qui ne semble ne plus s’arrêter, une quasi extinction. Aujourd’hui, c’est avec un smartphone que la plupart des reportages photo sont réalisés, et sans photographe de presse, au détriment bien souvent de la qualité, du sens journalistique de l’image. La part de reportages dans les journaux baisse, les photos sont souvent “données” par les interlocuteurs (avec le risque de lissage de l’information, allant vers la communication) ou recherchées dans les banques d’images… 

A cela s’ajoute une paupérisation des travailleurs dits indépendants, les pigistes, qui peinent à vivre du métier, sont trop souvent payés en facture ou droits d’auteurs et donc non éligibles à la carte de presse. Ainsi qu’une charge accrue de travail qui repose sur les rédacteurs. 

Cette érosion n’est pas acceptable et nous devons lutter, car le métier de photographe de presse est indispensable. La photo de presse de qualité est indispensable à l’information des citoyens, participe de notre connaissance fine du monde qui nous entoure, contribue à l’attractivité des titres de presse, et s’inscrit tout autant que les écrits ou vidéos dans le cadre d’une éthique professionnelle. On ne peut faire l’impasse sur ce devoir de qualité et de rigueur face à nos concitoyens. On doit préserver son rôle démocratique.  

Pour cela, il est impératif de :

  • SECURISER LES “INDEPENDANTS” (paiement en salaire conformément à la loi, rémunérations dignes)
  • PRÉSERVER L’EMPLOI (nombre de postes incompressible de photojournalistes mensualisés notamment en PQR, remplacement de chaque départ)
  • DEFENDRE LE VRAI REPORTAGE PHOTO (et limiter au max les images d’illustration)

12 DIFFICULTÉS MAJEURES AUXQUELLES NOUS PROPOSONS DES SOLUTIONS 

  1. Les postes de journalistes mensualisés sont en chute libre
  2. Les photojournalistes à la pige sont précaires et mal rémunérés
  3. L’accès à la carte de presse est difficile pour les photojournalistes à la pige
  4. Les photojournalistes subissent de lourdes charges de matériel
  5. Les photojournalistes pigistes peinent à obtenir la carte de l’UJSF pour couvrir des matchs
  6. La profession de photojournaliste offre encore trop peu d’opportunités aux femmes 
  7. Les bourses de soutien à la photographie n’aident pas suffisamment les photojournalistes
  8. Une partie des reporters photo subit une forte charge de travail 
  9. L’intelligence artificielle et la photo d’illustration sont mal encadrées
  10. Les photojournalistes sont surexposés aux risques de terrain 
  11. Les crédits photo ne respectent pas assez le droit d’auteur des photojournalistes
  12. Les photojournalistes connaissent mal leurs droits
  1. LES POSTES MENSUALISÉS SONT EN CHUTE LIBRE, ET N’EXISTENT QUASI PLUS QU’EN PQR

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs : 

  • de remplacer tous les départs à la retraite de photojournalistes mensualisés par des CDI (titularisation des CDI et pigistes), pour maintenir un volume de photographes susceptibles de couvrir les évènements ainsi que de ne pas alourdir la charge de travail de ceux déjà en poste, ni celle des rédacteurs, afin qu’ils puissent se consacrer entièrement à leur tâche de rédacteur.  
  • de limiter la pratique des photos faites par les rédacteurs
  • de limiter le recours aux banques d’images

2. LES REPORTERS PHOTO À LA PIGE SONT PRÉCAIRES ET MAL RÉMUNÉRÉS

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • de bannir le paiement en droits d’auteur, facture, CDD d’usage, honoraires de CLP
  • de respecter le tarif minimum de pige photo en vigueur et de le dépasser largement : 69, 25€ (tous éditeurs sauf agences) la photo ou série de photos faites dans un laps de temps de 5 heures maximum (décret du 9 mai 2017[11] [12] [13] [14] ) 
  • de prendre en compte le temps de préparation du reportage (contacts, logistique…) et la post-prod/éditing/légendes dans le calibrage du temps de travail à rémunérer
  • d’intégrer les tarifs de piges photo dans les NAO, avec réévaluation régulière 
  • d’appliquer tous les éléments de la convention collective des journalistes aux photojournalistes à la pige : droit aux congés payés, 13ème mois et prime d’ancienneté, d’annoncer les tarifs de façon claire et par écrit, et de passer commande par écrit, avec la précision de tous ces éléments
  • de payer les piges à la fin du mois de travail et non à la parution
  • de limiter au maximum le recours aux banques d’images et de privilégier les commandes en direct
  • de rembourser tous les frais de déplacements
  • de revoir les accords de cession des droits d’auteur pour que les repasses soient mieux rémunérées et tiennent compte de toutes les utilisations 

La CFDT-journalistes demande aux agences de presse photo : de respecter et rehausser le barème de 70 € brut minimum la demi-journée/140 € brut minimum la journée

La CFDT-journalistes demande aux représentants des syndicats patronaux de la presse :

  • d’ouvrir une négociation visant à reprendre la main sur le décret du 9 mai 2017 fixant un tarif minimum à la photo, en vue de relever substantiellement ce tarif qui n’est que 20% supérieur au SMIC, et ce dans un cadre paritaire
  • de s’assurer que les agences de presse photo adhérentes à la FFAP respectent le barème minimum

Aux banques d’image : de pratiquer des tarifs dignes 

Au Ministère du Travail : de contrôler entreprises, agences, banques d’images

3. L’ACCÈS À LA CARTE DE PRESSE EST DIFFICILE POUR LES PHOTOJOURNALISTES À LA PIGE 

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs : de respecter la loi Cressard (toute photo commandée ou achetée doit être rémunérée à son auteur en salaire) et des tarifs dignes, afin d’atteindre les montants de rémunération nécessaires à la reconnaissance de journaliste professionnel.

La CFDT-journalistes demande à la CCIJP : 

  • d’étudier les dossiers des demandeurs avec bienveillance, et notamment de prendre en compte le fait que les activités non journalistiques, plus rémunératrices, ne reflètent pas la réalité du temps de travail. 
  • de communiquer clairement sur les montants hors presse à déclarer (résultat net et non CA) et les possibilités de neutralisation
  • de rappeler aux éditeurs qui ne respectent pas la loi Cressard de façon systématique que le paiement en salaire est une obligation légale et qu’ils exposent ainsi leurs collaborateurs à la perte de la carte de presse.

4. LES PHOTOJOURNALISTES SUBISSENT DE LOURDES CHARGES DE MATÉRIEL

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • pour les pigistes : de mettre en place des indemnités de matériel, ayant pour objectif de participer à l’amortissement des achats de boîtiers, objectifs, divers accessoires, et ordinateur ou disque dur externe pour permettre le stockage des images.
  • pour les photojournalistes mensualisés : de les doter du matériel suffisant pour assurer leur mission (et donc calibrer le budget d’investissement du journal en en tenant compte), et bannir tout achat sur leurs deniers personnels, ce qui existe encore.

5. LES PHOTOJOURNALISTES PIGISTES PEINENT À OBTENIR LA CARTE DE L’UJSF POUR COUVRIR DES MATCHS

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs : de payer TOUJOURS en salaire, obligation légale et passage obligé pour obtenir la carte CCIJP et par ricochet la carte UJSF

La CFDT-journalistes demande à l’UJSF : d’assouplir ses règles en ne réclamant pas la carte de presse CCIJP comme condition d’obtention de la carte UJSF, sous réserve d’accréditation par un journal ou agence.

6. LA PROFESSION DE REPORTER PHOTO OFFRE ENCORE TROP PEU D’OPPORTUNITÉS AUX FEMMES 

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • de changer leur regard, afin de considérer qu’une femme photojournaliste est tout aussi capable et compétente qu’un homme
  • de veiller à améliorer leur connaissance du vivier de femmes photojournalistes pour les solliciter de manière équitable à la pige
  • de veiller à un climat de travail qui bannisse la misogynie

7. LES BOURSES DE SOUTIEN À LA PHOTOGRAPHIE N’AIDENT PAS SUFFISAMMENT LES PHOTOJOURNALISTES

La CFDT demande au ministère de la Culture et à tous organisateurs publics d’appels à projet photo : 

  • de réserver certains projets aux véritables photojournalistes, afin que ne se réitère pas l’expérience fâcheuse de la Grande commande photo post covid
  • d’intégrer des représentants de syndicats représentatifs des journalistes dans les jurys de sélection
  • de trouver des solutions pour que ces commandes soient rémunérées en salaire, et sans obligations de disposer d’un numéro de SIRET

8. UNE PARTIE DES REPORTERS PHOTO SUBIT UNE FORTE CHARGE DE TRAVAIL ET DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX ACCRUS

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • d’éviter une sur sollicitation des postes existants et de calibrer les effectifs photo au plus près des moyens humains nécessaires pour fonctionner.
  • de mettre en place des permanences de faits divers (essentiellement en presse régionale) permettant une rotation qui n’épuise pas le personnel en le laissant continuellement sur le qui-vive (et donc ne pas faire baisser les seuils d’effectifs en dessous d’un seuil critique, à définir avec les représentants du personnel)
  • de donner le temps aux reporters photo de réaliser leurs reportages, la bonne image et le respect des personnes photographiées devant rester prioritaire face à l’urgence de la mise en ligne, et faire confiance aux photographes qui savent évaluer le déroulé optimal d’un reportage

9. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LA PHOTO D’ILLUSTRATION SONT MAL ENCADRÉES 

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • de résister à la tentation d’utiliser l’IA pour générer des images et  remplacer un vrai travail journalistique par une création virtuelle d’illustration
  • d’informer clairement les photographes sur leurs projets d’IA pouvant les impacter et de soumettre ces projets aux représentants du personnel
  • de limiter au maximum le recours aux banques d’images et aux photos de services de communication
  • de mentionner clairement les photographies d’illustration, réalisées avec l’IA, fournies par les services de communication, dans une démarche d’information du lecteur.

10. DANS UN CONTEXTE DE DÉFIANCE VIS À VIS DES MÉDIAS, LES PHOTOJOURNALISTES SONT SUREXPOSÉS AUX RISQUES DE TERRAIN 

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • de faciliter l’accès aux terrains des journalistes à qui ils passent commande en leur fournissant les attestations nécessaires à leur reconnaissance professionnelle (comme le courrier type mentionné dans le SNMO), surtout pour ceux n’ayant pas la carte de presse) ou à l’obtention de visas de travail
  • de doter leurs photographes du matériel de protection nécessaire (casque, masque à gaz…), de protéger en cas de besoin leurs photographes par des agents de sécurité et de ne jamais les encourager à prendre des risques inconsidérés
  • d’aider leurs photojournalistes à préparer leur reportage en zone dangereuse, et les suivre sur place
  • de déclarer en accident de travail tous les incidents se produisant en reportage photo ou en déplacement
  • de participer aux assurances dommages matériel 
  • de porter plainte aux côtés de leurs salariés en cas d’agression ou d’empêchement par les forces de l’ordre

La CFDT-journalistes demande au Ministère de l’intérieur:

  • d’assurer aux photojournalistes la pleine sécurité de leur mission lors de leurs reportages sur les manifestation, conformément au Schéma national de maintien de l’ordre

11. LES CRÉDITS PHOTO NE RESPECTENT PAS ASSEZ LE DROIT D’AUTEUR DES PHOTOJOURNALISTES

La CFDT-journalistes demande aux éditeurs :

  • de bannir au maximum l’usage du « DR », en ne l’utilisant qu’en cas d’identification impossible de l’auteur d’une image ou si celui-ci ne souhaite pas être identifié : et donc de donner       aux salariés le temps nécessaire pour effectuer ces recherches d’identification de l’auteur
  • de créditer les photos des correspondants locaux de presse
  • d’utiliser tous les moyens existant de marquage des photos dans leur photothèque pour se donner les moyens de le respecter (avoir une vraie politique de gestion des métadonnées), et de respecter les métadonnées des photos qu’ils achètent
  • de former leurs équipes à la législation concernant le crédit photo et le droit à l’image et aux risques y compris démocratiques à utiliser des photos sans en connaitre la provenance 
  • de rectifier tout oubli ou erreur par un erratum
  • de s’interdire d’utiliser des photos sans en connaitre la provenance et de dédommager les victimes d’erreurs
  • de faire figurer dans leurs bilans comptables des montants correspondant aux droits réservés, puisque en notant “DR” l’éditeur s’engage à réserver ces droits. 

La CFDT-journalistes demande au Ministère de la Culture : de rendre publiques les conventions-cadres signées entre le Ministère de la Culture et un certain nombre d’entreprises de presse bénéficiant du soutien financier de l’État, ces conventions devant préciser les bonnes pratiques professionnelles devant être respectées par ces éditeurs de presse, en particulier dans leurs relations avec les photographes journalistes. 

12. LES PHOTOJOURNALISTES CONNAISSENT MAL LEURS DROITS

La CFDT-journalistes demande aux écoles de journalisme, écoles de photo et organismes de formation continue ayant une offre vis-à-vis des photojournalistes : de consacrer des modules d’enseignement sur les droits des photographes en général et photojournalistes en particulier (droits d’auteur, loi Cressard…).

Contact : journalistes@f3c.cfdt.fr

Lire aussi :

26 juillet 2023 – Etats généraux du droit à l’information en septembre : la lutte contre la précarité, combat prioritaire pour la CFDT

25 janvier 2023 – Photographie : des clarifications demandées sur les mentions « DR »

13 juillet 2022 – Grande commande photo : la réponse du Ministère

22 mai 2022 – Grande commande photo : CFDT Journalistes interpelle le ministère de la Culture et la BNF

28 février 2021 – Stupeur et solidarité après l’agression de notre confrère photographe


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